La Paz

Le 24/11/2013, fin de matinée, notre bus arrive, à l’immense La Paz par les hauts plateaux qui surplombent la capitale, comme c’est le cas pour beaucoup de voyageurs. Cette zone, appelée « El Alto », anciennement banlieue de la ville de La Paz, et depuis 1985 une ville à part entière, est devenue la troisième ville la plus peuplée du pays, ainsi que la « capitale » du peuple aymara, et elle offre une vue à couper le souffle sur l’étonnant chaos urbain qu’est la ville de La Paz. La ville est en effet confinée dans une énorme cuvette à l’endroit même où se crée une rupture nette dans l’Altiplano.

La Paz, s’étage donc entre 3200 et 4000 m. d’altitude, et elle est considérée la capitale la plus haute du monde même si le terme de capitale est ambigu. La Paz est en effet le siège du gouvernement, la capitale administrative du pays, Sucre étant considéré capitale constitutionnelle. Les 2 villes se partagent en effet les trois pouvoirs : l’exécutif et le législatif à La Paz, le judiciaire à Sucre. Associée aux communes voisines d’El Alto et Viacha, La Paz compte plus d’1,6 Millions d’habitants, faisant d’elle la seconde agglomération la plus peuplée de Bolivie derrière Santa Cruz. Entourée par d’innombrables pics enneigés culminant tous à près de 6000 m. d’altitude, tels que le Nevado Illimani (6402 m.), elle possède l’un des cadres naturels les plus beaux du monde et représente une base idéale pour les afficionados de haute montagne qui viennent nombreux chaque année découvrir les randonnées et ascensions de la Cordillière Royale.

Du fait de l’altitude, la ville compte plusieurs records: elle détient l’aéroport international le plus élevé au monde, ainsi que le stade olympique agrée le plus haut, mais ce stade ne peut recevoir de compétition de football internationale, parce que la FIFA a émis une règle interdisant l’organisation de matchs officiels dans des stades situés à plus de 2500 m. d’altitude. D’autres curiosités la caractérisent : par exemple, l’eau bout à 89 °C, ou autre chose étonnante, La Paz est l’une des seules villes au monde où les plus pauvres vivent en hauteur et les plus aisés vivent presque tous dans les quartiers situés les plus bas de la ville.

Depuis le terminal de bus, on emprunte un taxi qui nous dépose dans le quartier prisé des touristes et backpackers puis on commence à chercher un hôtel ce qui va nous occuper pour une fois, un peu plus longtemps que d’habitude. Arrivant de Copacabana, dans le nord du pays, nos repères financiers sont un peu bousculés et nous avons, semble-t-il, sous-estimés le coût du logement dans une métropole telle que La Paz. Après une bonne heure de déambulation dans les rues chaotiques de La Paz, le poids de nos sacs finit par avoir raison de nous et nous revenons, par un deuxième trajet en taxi, dans l’un des premiers hôtels visités en plein centre du quartier touristique mais dans un coin qui va s’avérer très bruyant.

Par hasard, l’après-midi de notre arrivée se tient une fête de quartier appelée « Fiesta de Jesús del Gran Poder » ou « Festividad del Señor del Gran Poder », la déclinaison « locale » d’une célébration religieuse nationale qui se déroule chaque année dans la ville de La Paz, un samedi entre la fin du mois de mai et le début du mois de juin. Un immense défilé est alors organisé en l’honneur du Seigneur Jésus Christ dans le centre de La Paz. Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vivre une version « locale » de cette grande fête, puisque chaque quartier célèbre cette fête à la date anniversaire de création de la paroisse.

Comme c’est le cas pour la célébration nationale, les festivités se déroulent dans les rues, les espaces publics, les places ainsi que les avenues, les spectateurs s’installant alors confortablement sur les trottoirs afin de profiter du défilé, des danseurs, de la musique jouée par des fanfares ambulantes ou des orchestres et des plats typiques et boissons vendus par de multiples stands montés pour l’occasion.

La célébration du « Gran Poder », qui signifie « Grand Pouvoir » et provient de la croyance que Dieu est amour, cet amour générant un pouvoir qui fait tomber tous les obstacles, illustre une vision andine du partage des richesses, car dans les communautés du Haut Plateau des Andes, la réciprocité est fondamentale pour le bien-être de la société. On parle ainsi de l’Ayni, qui veut dire « pour toi aujourd’hui et pour moi demain », dans la langue Aymara. Le « preste », nom donné à l’évènement ainsi qu’à la personne qui organise et finance la fête privée d’un groupe folklorique, ayant lieu le lendemain de la fête du « Gran Poder », est une forme de réciprocité au sein du groupe mais aussi avec Dieu, car les danseurs défilent en demandant au Seigneur sa protection ainsi que la réalisation de leurs souhaits ou projets.

Symbole du syncrétisme religieux, cette fête mélange des traditions catholiques et aymaras. Par exemple, la veille du défilé les participants font une promesse, espérant les faveurs du Seigneur, en s’engageant à danser trois années de suite, afin que leurs souhaits se réalisent. Cette promesse s’accompagne d’une cérémonie pour la Pachamama (Terre Mère). On y brûle un ensemble d’objets en sucre (offrandes), pour demander la protection de Terre Mère lors des festivités, mais aussi pour la vie de tous les jours.

Pour nous, européens, cette fête est l’occasion d’admirer sous toutes les coutures les costumes traditionnels des « cholitas », ces femmes d’origine aymara, illustrant le folklore du pays, perdurant les traditions et égayant le paysage urbain et rural avec leur chapeau melon (« el bombin ») vissé sur la tête. Evo Morales, actuel président du pays, lui-même issu du peuple aymara, dont la revalorisation des peuples indigènes est une priorité, a même créé une fête populaire nationale en l’honneur des Cholitas pour ce qu’elles incarnent : un symbole du métissage du pays et de l’identité bolivienne.

Une légende raconte que le port du chapeau melon par les femmes, un accessoire masculin pour nous, européens, provient d’un chapelier qui reçut une importante livraison de ces chapeaux, tous trop petits pour les hommes. Il eut alors la brillante idée de répandre l’information auprès des femmes boliviennes que cette forme « melon » était devenue la nouvelle mode en Europe. La plupart abandonnèrent alors leur chapeau aux bords plats et décorés de fleurs au profit de ce nouvel accessoire pour ne plus jamais s’en séparer !

Certaines de ces femmes sont devenues populaires et respectées en s’affrontant tous les dimanches, sur les hauteurs de La Paz, dans la ville d’El Alto, à l’occasion de combats de catch touristiques, revêtues de leur tenue traditionnelle. Nous n’avons pas assisté à ce show, qui semble ne pas laisser un souvenir impérissable aux voyageurs qui en ont fait l’expérience même si ces catcheuses boliviennes semblent s’entrainer quotidiennement et sérieusement pour offrir aux touristes un show qui se veut original et amusant.

Dans un tout autre genre, « El Valle de la Luna » ou « La Vallée de la Lune » est une région due à l’érosion de la partie supérieure d’une montagne, située à une dizaine de km au sud de La Paz un peu au-delà des quartiers chics. Le sol, composé d’argile, comme la plupart des montagnes autour de La Paz, est de nature fragile, et les éléments ont donc sculpté, au cours des siècles, une œuvre d’art, semblable à un désert de stalagmites. Le fait que ces argiles soient composées en proportion variable de certains minéraux d’une montagne à une autre, produit des coloris différents, créant une impression visuelle très plaisante. Elles sont en grande majorité d’une couleur claire proche du beige ou d’un marron très pâle mais peuvent également présenter des zones plus foncées tirant sur l’ocre. Le site, de petite taille, se visite en à peine une heure au travers de sentiers spécialement aménagés au milieu des galeries de stalagmites offrant un paysage très original.

En dehors des activités sportives disponibles à proximité immédiate de La Paz, et dont nous reparlerons dans les prochains articles, la ville elle-même, possède 2 facettes :

– des rues pavées en forte pente fréquentées par une population majoritairement aymara, qui descendent depuis la rupture de l’Altiplano, dans lesquelles les magasins d’artisanat et de spécialités locales sont légions;

– de grandes avenues goudronnées, situées en contrebas de la ville, où fleurissent grandes surfaces et enseignes de grandes marques, supermarchés, salles de cinéma, etc. Les populations indigènes se font ici plus rares et on croise plus fréquemment des hommes d’affaires en costard-cravate, des adolescentes maquillées et habillées « à l’américaine », bref des profils éloignés des clichés boliviens.

C’est bien sûr le premier visage de La Paz, ci-dessus décrit qui présente un intérêt touristique. Nombreux auront été les petits déjeuners consommés chez « Tia Gladys », une minuscule cafétéria très prisée des touristes israéliens, extrêmement nombreux en Bolivie, dont les murs sont tapissés de photos de la patronne accompagnée de voyageurs et de témoignages de sympathie attestant du bon accueil et de la qualité des plats proposés : les « alfajores », desserts à base de crème fouettée ou « dulce de leche » sont immanquables.

Notre dernier après-midi sur place nous permet d’immortaliser les quelques points de vue et places qui valent le détour. Le mirador Killi Killi offre par exemple une vue à presque 360° sur la ville et sur le Mont Illimani visible par temps clair. C’est un point de vue particulièrement impressionnant en fin d’après-midi lorsque le soleil, juste avant de se coucher sur « El Alto » vient caresser d’une douce lumière les pentes de La Paz. La place du Palais Présidentiel, où se dresse également la cathédrale « Nuestra Señora de La Paz » est un étonnant mélange d’architecture récente et rutilante (le Palais Présidentiel, par exemple) et de bâtiments délabrés dont la destruction proche semble inéluctable. Enfin, le « marché de sorcellerie », un ensemble de stands à ciel ouvert situé en plein centre du quartier touristique, propose des produits mystiques voire franchement loufoques pour nous, européens. On y trouve toute sorte d’herbes et d’objets en pierre majoritairement dédiés au culte de la Pacha Mama, et la plupart de ces stands vendent aussi des cadavres de bébés lamas et alpacas séchés !

Comme déjà évoqué plus tôt dans cet article, en Bolivie, encore plus qu’ailleurs, deux religions coexistent dans la vie quotidienne : le christianisme et le culte de la « Pacha Mama ». Cette croyance descend tout droit de la « religion » ancestrale des précédentes civilisations, qui divisait le monde en trois : le monde « d’en haut », celui des dieux, représenté par un condor, le monde du peuple vivant, celui du présent, représenté par un puma, et le monde « d’en bas », celui des morts, représenté par un serpent.

Les lamas et alpacas, animaux présents en grande quantité dans cette région du globe, font encore aujourd’hui pleinement partie du culte de la Terre Mère. Les fœtus de lama sont très régulièrement enterrés dans les fondations de bâtiments en construction, comme porte-bonheur, et cela concerne les maisons individuelles autant que les projets municipaux d’envergure. Les bébés lamas, tués à quelques semaines après la naissance, servent d’offrande à la Pacha Mama, un seul moment dans l’année, au mois d’août. Pendus aux armatures des stands en pleine rue, ces cadavres sont achetés puis brûlés avec des fleurs et autre victuailles en donation au monde « d’en haut ».

La Paz est définitivement une étonnante ville, moins désagréable qu’elle n’y parait au premier jour, et surtout une base idéale pour s’adonner aux joies des sports de montagne, auxquelles nous avons pu gouter durant notre séjour.

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