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Ascension du Huayna Potosí : « Au-dessus, c’est le soleil »

Après une journée de repos, c’est un second défi sportif que je me suis proposé de réaliser à proximité de La Paz. Mais à la différence de la descente de la Route de la Mort à VTT, je n’ai, cette fois, aucune certitude d’arriver au bout et je dois bien admettre que ce challenge me préoccupe nettement plus que celui d’il y a deux jours.

Huayna Potosí, un sommet, couvert de glace, situé à environ 25 km au nord de La Paz dans la cordillère Orientale, culminant à 6088 m d’altitude, est l’un des plus beaux et des plus célèbres de Bolivie. Son ascension est une activité touristique très prisée des amateurs de montagnes mais aussi des non-initiés puisqu’il est annoncé comme l’un des sommets de cette altitude les plus accessibles. On peut lire ou entendre ici et là « l’un des sommets de cette altitude les plus ‘faciles’ », mais je crois que le terme « accessible », se référant plus à une proximité rare avec une grosse ville, pour un sommet de cette altitude, est plus approprié. D’autre part, il me semble bon de rappeler que s’attaquer à un 6000 m. n’a franchement rien d’une promenade de santé et Wikipédia précise même que Huayna Potosí est souvent appelé à tort « le plus facile 6 000 m du monde » car il comporte tout de même au moins deux couloirs de glace très raides, d’autres sommets de 6 000 m autour du globe présentant des voies techniquement plus faciles à gravir.

De nombreuses agences de la rue Sagarna, l’une des principales rues touristiques du centre de La Paz, proposent l’ascension du Huayna Potosí en deux ou trois jours en fonction de l’expérience en alpinisme des participants. Elle revient plus cher, mais il est recommandé aux novices d’opter pour une excursion en trois jours dont le premier sert d’entrainement à la marche sur glacier : encordement, usage de crampons, maniement du piolet, escalade de courtes parois etc. De plus, ce jour supplémentaire passé à près de 5000 m d’altitude permet une meilleure acclimatation réduisant un peu le risque de souffrir du « Soroche » ou « Mal Aigu des Montagnes » (MAM), qui est sans nul doute le principal ennemi de cette épreuve. En dehors de l’acclimatation indispensable pour espérer grimper au sommet, une bonne condition physique et un moral « de résistant » semblent être des atouts utiles. Pour finir, plus encore que pour la descente à VTT, le choix de l’agence à laquelle vous allez acheter l’excursion est primordial. En effet, à moins d’être expérimenté et équipé pour la haute montagne, il est difficile et risqué de s’attaquer à ce challenge sans recourir aux services d’un guide. Et du choix de l’agence, découlera le guide accompagnateur, et la qualité du matériel mis à disposition pour l’ascension, qui sont les derniers ingrédients importants pour maximiser vos chances de réussite. Enfin, il ne vous reste plus qu’à prier pour que la météo soit clémente la nuit de votre ascension. A postériori, je réalise que l’atteinte du sommet est conditionnée à un sacré lot de paramètres à prendre en compte.

Depuis notre arrivée à La Paz, je me renseigne sur le sujet et en trois jours sur place, j’ai maintenant une idée précise des agences recommandées, de celles à éviter, et j’ai déniché, entre témoignages sur internet et échanges avec des locaux, les noms des guides recevant le plus de témoignages positifs.

Problème : après quelques jours à La Paz et notre précédente descente à vélo, je suis maintenant beaucoup moins souple du point de vue calendrier. Au 26/11/2013, le timing devient serré : compte tenu du fait que j’estime devoir choisir une ascension en trois jours, il me faut trouver un groupe qui part dès le lendemain. Après avoir écarté deux agences principalement à cause de ce paramètre (aucun groupe ne partant le lendemain), il me reste une chance auprès de « No Fear », l’agence utilisée pour la « Route de la Mort » dont la prestation état excellente. Chez « No Fear », on me propose de revenir discuter en fin d’après-midi avec Miguel Llusco, un guide recommandé par le réceptionniste de notre hôtel, qui serait en train de constituer un groupe pour sortir le lendemain.

Second problème : quand je me présente à nouveau vers 17h à l’agence, Miguel m’informe que les participants se sont décommandés et que je suis dorénavant seul candidat. Il est néanmoins prêt à m’emmener mais plus aux mêmes conditions financières. Et sur ce sujet, je ne suis pas non plus « très souple » compte tenu que nous voyageons, Magda et moi, depuis plus de 6 mois maintenant. Sans trop y croire, je lui fais alors une suggestion : « Si nous ne sommes que deux, est-il envisageable de tenter l’ascension en 2 jours au lieu de 3, si cela permet de réduire le coût de la prestation ? » J’avance le fait que je séjourne depuis plusieurs jours à La Paz, même si je n’ai aucune idée de mon stade d’acclimatation, et nous tombons finalement assez vite d’accord sur un budget qui me satisfait pleinement, à peine plus élevé que le tarif par personne dans le cadre d’un groupe, sauf que je bénéficierai d’un guide particulier. Et pour ce qui est du jour d’entrainement et familiarisation avec le matériel, Miguel me confirme qu’on trouvera le temps de caser une séance l’après-midi du jour 1, après la première marche d’approche et avant d’attaquer l’ascension, en plein milieu de la nuit suivante. Bon, ça va être chargé mais je suis sur-motivé et ravi du deal : au moins, si je n’arrive pas en haut, je serai le seul coupable. En effet, dans une cordée de plus de trois alpinistes, il suffit que l’un commence à souffrir du MAM, du froid ou de fatigue extrême et c’est toute la cordée qui redescend, privant tout le monde du sommet : cela arrive toutes les semaines au Huayna Potosí.

Le lendemain, 27/11/2013, après un nième petit-déjeuner chez « Tia Gladys » avec ma belle dont je vais finalement me séparer moins longtemps que prévu (en voilà une bonne nouvelle), je rejoins Miguel, devant l’agence « No Fear » dès 8h et nous partons en voiture, d’abord chez lui, pour récupérer le matériel qui m’est destiné, puis prenons la route qui mène au camp de base en une petite heure.

La Paz étant déjà à une altitude proche de 4000 m, n’importe quelle route qui commence à se rapprocher des montagnes alentours vous permet évidemment d’accéder à des altitudes autrement plus importantes que celles que nous connaissons en France par exemple. En quelques minutes, mon sac à dos de voyage, que j’ai vidé pour l’occasion, est chargé de matériel (chaussures de marche, crampons, piolet, lampe frontale, duvet, vêtements de haute montagne). Il est tout juste 10h00 lorsque nous quittons le camp de base, situé à l’altitude du toit des Alpes, 4800 m. Il est très difficile de savoir si le corps est acclimaté ou pas à la haute altitude à un instant donné, mais une chose est évidente : au matin même de ce défi, le simple fait de gravir les 2 escaliers qui mènent jusqu’à notre chambre d’hôtel dans La Paz suffit à m’essouffler et parfois légèrement me « sonner », une sensation partagée par la plupart des touristes à La Paz. Il me faudra mâcher de la feuille de coca et abuser des « matés » (infusion à base de feuilles de coca) cet après-midi !

La marche d’approche pour rejoindre le refuge où nous allons passer la prochaine « nuit » (si on peut appeler ça une « nuit ») est finalement assez courte et se fait sans grande difficulté, malgré les 15 kg de matériel sur le dos. Je prends des photos, je me filme pour enregistrer mes sensations, qui sont excellentes, et nous pouvons discuter avec Miguel qui a un rythme régulier me convenant impeccablement jusque-là. En deux heures, nous atteignons 5200 m, l’altitude du refuge que nous quitterons cette nuit à 1h00 du matin pour entamer l’ascension finale. Il est tout juste 12h00 et à cette heure avancée de la journée, la cordée qui est partie cette nuit pour l’ascension devrait être rentrée au refuge où nous débarquons depuis plusieurs heures. Mais le refuge est vide, fermé, et Miguel n’a pas les clés.

« Ah bah voilà, enfin un peu d’imprévu à la bolivienne ! Ça me semblait un peu trop simple jusque-là ! »

On ne se démonte pas, on va patienter un peu. Quelques minutes plus tard, avec l’aide d’un deuxième guide qui nous a rejoint entre temps, et parce que la cordée de la nuit précédente ne semble pas prête d’arriver (la vue sur le glacier depuis le refuge permet de voir les groupes redescendre), la décision est prise de démonter le montant de la porte du refuge pour y pénétrer : le soleil « cogne dur » à cette altitude, et en fin de compte, ce refuge, c’est de la tôle, des vis et des écrous, rien d’insurmontable ! Je filme tout cela bien sûr, pas question d’en perdre une miette !

Dans l’après-midi, après un déjeuner que j’ai pu avaler avec appétit (tout cela est très encourageant), nous partons pendant une bonne heure pour mon initiation à la marche sur glacier : Miguel m’enseigne donc les deux types de « pas » que nous pratiquerons en fonction du degré de la pente, il me montre comment bien tenir, planter mon piolet et les crampons, afin de franchir les murs de glace, et la position à adopter pour la descente etc.

A notre retour dans l’après-midi, nous sommes un peu plus nombreux dans le refuge (4 cordées vont tenter l’ascension cette nuit, incluant la nôtre) mais toujours pas de trace de la cordée de la nuit, ce qui commence à préoccuper les guides dans le refuge qui envisagent maintenant sérieusement de commencer à monter pour partir à leur recherche. Parmi les présents, un couple de français, de mon âge environ, vivant à Grenoble, qui semblent expérimentés et qui vont faire l’ascension en autonomie avec du matériel loué. Ça c’est un point encourageant : s’ils ont décidés de la faire seuls, c’est que ça ne doit pas être impossible ! Enfin, vers 16h00, la cordée de la nuit précédente est enfin en vue sur le glacier et ils arrivent péniblement au refuge avec 6 à 7 heures de retard par rapport à l’horaire conseillé. Tout le monde est soulagé, pas d’accident, mais le couple en question a bien mauvaise mine et la femme, exténuée, est à peine capable de prononcer un « bonsoir » à son arrivée : m***e, ça, pour le coup, c’est beaucoup moins encourageant !

Entre 17h et 18h Miguel m’invite à me mettre à table pour le dîner, mais cette fois, je n’ai pas vraiment d’appétit, probablement l’altitude qui commence à faire son effet. Tout le monde se couche entre 19h et 20h, le réveil devant sonner à minuit. A écouter les autres, on est plusieurs à ne pas pouvoir trouver le sommeil et finalement, je serai absolument incapable de fermer l’œil jusqu’à ce que le réveil sonne. Chacun s’habille en silence : plusieurs couches en haut, 2 paires de gants, 2 paires de chaussettes – «  Si je dois abandonner avant le sommet, je préfèrerais que ce soit pour une autre raison que pour un doigt de pied congelé ! »

A 1h45 du matin, nous sommes la première cordée à poser le pied sur le glacier, équipés et crampons chaussés. Je n’ai pas réussi à dormir du tout et cela me préoccupe de commencer un effort physique pareil dans ces conditions. Mais je ne dois pas être le seul à la réflexion. Il fait nuit noire bien sûr, le vent ne souffle pas et la température est acceptable. Nous adoptons un rythme plus lent que pendant la marche d’approche d’hier. Nous atteignons assez vite 5500 puis 5600 m d’altitude, suivis de près par le couple de français. Je ne cesse de me répéter « Jusque-là, tout va bien » (ça me rappelle le film « La Haine »), mais tout reste à faire car je sais que beaucoup ressentent violemment les effets de l’altitude entre 5600 et 5800 m. A partir de 5600 m, les choses se corsent : nous ne marchons pas vite, mais les pauses deviennent indispensables de plus en plus souvent et même si elles me permettent de récupérer, je ressens l’essoufflement presque immédiatement après avoir repris la marche. Indéniablement, gravir les 300 m. de dénivelé pour atteindre 5900 m nous prend un temps considérablement plus long que pour atteindre 5500 m depuis le refuge. Je ne redoute pas et dirai même que j’apprécie l’ascension des 2 murs de glace à franchir car ils permettent de rompre avec la monotonie de la marche et me font oublier l’essoufflement. A en croire les lumières des frontales qui sont maintenant plus loin derrière nous, je crois même que nous avons été efficaces, Miguel et moi, dans ces parois. Il ne nous reste que 190 m. de dénivelé et je me concentre pour tenter de détecter le moindre signe de MAM et prévenir Miguel si je devais ressentir soudainement des maux de tête ou de ventre.

Vers 5h00 du matin environ, Miguel m’annonce que nous venons de franchir les 6000 m : ça commence à sentir « bon » le sommet, mais logiquement, les espaces autour de nous semblent se rétrécir et avec les toutes premières lueurs du jour, le vide est plus perceptible. Les derniers 50 à 100 m. de dénivelé se font sur une étroite arrête dont les bords vertigineux n’apparaissent clairement qu’au moment d’entamer la redescente.

5h45 du matin, je suis le premier touriste, ce 28/11/2013, à atteindre « la cumbre », à 6088 m, puis arrive assez rapidement le couple de français et enfin la troisième cordée. Je suis fier mais la fatigue est visible jusque dans ma façon de parler, à voir les quelques vidéos que j’enregistre là-haut. Mes premières pensées et mes premiers mots sont pour la famille bien sûr : je pense à mon frère, Olivier, qui risque fort d’envier ce moment et que je ne manque pas de « tacler » gentiment – pour une fois que je réalise un défi dans lequel il n’est pas devant moi à l’arrivée, j’ai le droit ! -, je pense à mon grand-père paternel avec un peu d’émotion – c’est qu’il aimait ça l’altitude ! -, et je commence finalement à saluer tout le monde un peu bêtement comme si je venais de gagner une récompense que je souhaitais dédier à un public. Pas de remise de prix au sommet bien entendu, mais bien plus que cela : une gigantesque satisfaction, une euphorie soudaine, la tête dans les nuages ! Le lever de soleil que j’ai le plaisir de vivre ce matin-là récompense et même bien plus, les efforts fournis pour gravir cette magnifique montagne. Aujourd’hui, notre planète est plus belle que jamais et cette beauté me fait penser que si je devais changer d’idéologie religieuse, j’opterai sans doute pour le culte de la Pacha Mama (Terre Mère) ! Malheureusement, le temps passé au sommet est compté et il faut commencer à redescendre après seulement 10 à 15 minutes sur place (la plateforme n’est pas gigantesque et 3 cordées se sentent vite à l’étroit).

Vers 8h00 du matin, nous entrons à nouveau dans le refuge intermédiaire, après une fatigante redescente durant laquelle il m’a été difficile de profiter pleinement du paysage et nous retrouvons la quatrième cordée qui a été contrainte d’abandonner aux alentours de 5500 m parce que l’un des marcheurs se sentait vraiment trop mal pour continuer.

Avertissement du jour : à la différence d’une course à pied dans laquelle le dernier effort se fait sous l’arrivée, en montagne, l’atteinte du sommet n’est que la moitié de l’effort à réaliser. L’ivresse de l’altitude est telle qu’on a tendance à sous-estimer voire à presque oublier qu’il faut redescendre entier avant de crier victoire. Par manque d’expérience (et de sommeil), sans doute, j’ai sous-estimé la rudesse de l’effort à fournir pour redescendre et n’ai récupéré complètement mon souffle qu’à la mi-journée. Je dirai finalement avoir plus souffert de l’essoufflement à la descente que pendant l’ascension.

En fin de matinée, complètement lessivé, je suis de retour à l’hôtel et j’annonce avec fierté à Magda que j’ai atteint le sommet, mais je suis dans un piteux état. Magda dira même qu’elle ne m’a jamais vu dans un tel état de fatigue, ni même après le marathon des Alpes Maritimes avec mon frangin ! Et si j’ai bonne mémoire, je crois que le frangin en question confirmera que la très haute montagne, ça peut laisser des traces 😉

Descente de la Route de la Mort en VTT

Une des activités sportives prisées des amateurs de sensations fortes à La Paz consiste à descendre à VTT la fameuse « Route de la Mort ».

Cette piste dont le nom original est « Route des Yungas » est tristement célèbre pour sa dangerosité. Si elle fut nommée en 1995 « Route la plus dangereuse du monde » par la Banque Interaméricaine du développement, elle est devenue, en quelques années, une attraction touristique inévitable à La Paz.

Reliant les hauteurs de La Paz (le point de départ est à 4 650 m.) à la minuscule ville de Coroico (arrivée à 1 715 m.) sur une distance d’un peu plus de 60 km, cette route au fort dénivelé a connu pendant de longues années un trafic important malgré une conjonction de difficultés rendant sa traversée périlleuse : visibilité réduite à la fois par la nature même du terrain (courbes prononcées à répétition) et par les conditions climatiques fréquemment mauvaises, un revêtement inexistant et donc une piste en mauvais état sans adhérence, des torrents dont le lit traverse la chaussée à plusieurs endroits, des précipices importants pouvant faire jusqu’à 800 m. de profondeur et pourtant peu ou pas d’infrastructures protectrices. Dans ces conditions, les accidents étaient fréquents et leur issue souvent fatale : pendant plusieurs années consécutives, le nombre de tués oscillait entre 200 et 300 voyageurs par an, soit un véhicule toutes les deux semaines environ. Ce « camino de la muerte » étant à l’époque la seule voie pour rejoindre La Paz depuis la porte de l’Amazonie, les chauffeurs qui s’aventuraient sur cette route pouvaient tout au plus éviter de rouler la nuit et prier pour leur survie.

Ce sont probablement des directives politiques peu concernées par le sujet et des raisons économiques qui ont retardé le projet de création d’un axe secondaire délestant considérablement cette route meurtrière. Et depuis la création de cette voie plus sécurisée et asphaltée, l’ancienne « route de la mort » génère maintenant beaucoup d’argent. L’exploitation touristique transformant la route en une piste pour descendeurs à vélo est indéniablement la source de revenus la plus importante, mais d’autres exemples d’exploitation surfent sur la tragique passé de la « Route des Yungas » : la célèbre marque japonaise Mitsubishi a utilisé récemment le caractère hostile de la route pour la certification de leurs véhicules tous-terrains, et on trouve également sur internet un jeu vidéo américain appelé « Extreme Trucker » dont certains niveaux sont directement inspirés de la « route de la mort » et permettent de prendre virtuellement le volant d’un camion dans des paysages et sur un tracé plus vrais que nature.

Pendant les 2 premiers jours après notre arrivée à La Paz, nous avons fait le tour des nombreuses agences qui proposent cette descente en VTT sur une journée à la recherche du bon compromis sécurité-qualité du matériel-budget avant de choisir une agence nouvellement créée à l’initiative de guides expérimentés, venant d’une précédente structure suite à un désaccord avec la direction. La prestation est pratiquement toujours la même mais l’expérience des encadrants et la qualité du matériel peut varier nettement entre les fournisseurs et cela peut avoir un impact non négligeable sur le déroulement de la journée. Et pour ce genre de choses, parler l’espagnol est bien utile et nous aura permis de faire le bon choix : absolument rien à reprocher à l’agence « No Fear » qui nous fournit à notre arrivée à « la cumbre » (le col faisant office de point de départ) un équipement complet (casque intégral, veste, pantalon, gants, protège-tibias et protège-coude) et récent, comme promis. Le choix de la date (le 25/11/2013) pour faire cette excursion n’avait pas non plus été laissé au hasard : le soleil est au rendez-vous, la température est douce, et le groupe est de taille raisonnable, comme prévu. Impeccable !

Huit jeunes de 20 à 30 ans environ, dont Magda et moi, sont réunis aujourd’hui pour partager cette expérience, plus 2 guides encadrant le groupe. Vers 9h30, chacun a revêtu son équipement et récupéré son VTT et le groupe est attentif aux consignes en anglais de Javier, notre guide. « Let’s vamos ! », c’est Javier qui parle en « spanglish ».

Nous donnons nos premiers coups de pédales sur une large route asphaltée en se suivant en file indienne. Les premiers kilomètres permettent à chacun de se familiariser avec son engin et aux guides de jauger le groupe. Javier roule devant, l’autre guide ferme la marche, tout en filmant et photographiant, juste devant la camionnette qui suivra le convoi toute la descente avec du matériel de rechange et une trousse à pharmacie en cas de chute. Cette première partie n’a rien de technique et ne requiert pas non plus un effort physique important : c’est l’occasion de profiter du paysage sans prendre de risque et rechercher la position la plus aérodynamique possible pour réduire les frottements de l’air. La pente n’est pas encore trop soutenue et le plus grand plateau de chaque vélo a été limé pour plusieurs raisons : cela évite les déraillements intempestifs de la chaine, limite la vitesse atteignable de chaque participant et réduit donc un peu le risque de chute et leur potentielle gravité. Pas de doute, ils connaissent leur sujet chez « No Fear » !

Après une heure de descente, ponctuée de courtes pauses, nous nous arrêtons un bon quart d’heure pour nous hydrater et échanger nos sensations. Magda, reconnaissable à son casque blanc (c’est la seule) a bien apprécié cette première partie de la route, douce pour les bras et grisante par la vitesse sans pour autant être vraiment dangereuse.

Nous montons ensuite temporairement à bord du van, les vélos chargés sur le toit, pour rejoindre la deuxième partie de la descente. C’est maintenant que les choses se corsent. A partir de là, la route asphaltée laisse place à une étroite piste caillouteuse dont la largeur ne permet pas à deux véhicules de se croiser convenablement et nous allons dorénavant devoir rouler à gauche, c’est-à-dire à l’extérieur, au bord du vide. Pour faciliter la montée des véhicules, la « Route des Yungas » est en effet la seule en Bolivie à imposer un sens de circulation « à l’anglaise ». C’est dans ce deuxième tronçon que les sensations deviennent plus fortes et que la fourche suspendue de nos VTT devient utile. Tout en restant maitre de ma vitesse, je suis Javier de seulement quelques mètres et recherche à chaque virage la trajectoire idéale pour ne pas me laisser distancer. Nous traversons à plusieurs reprises des torrents dont le tracé vient interrompre la piste et nos guides immortalisent ces moments pour nous. Ils sont les seuls à prendre des photos et fournissent sans surcoût à chaque participant un DVD avec les photos et vidéos de la journée. Des accidents ont en effet eu lieu dans le passé, par manque de vigilance de participants, trop occupés à photographier le paysage au lieu de rester concentrés sur la route.

Les pauses que nous effectuons se situent toujours à des endroits particulièrement accidentogènes, en attestent les nombreuses croix et pierres gravées sur le bord de la chaussée en hommage à ceux qui ont perdu la vie sur cette dangereuse route. Certaines courbes portent également des noms qui ne laissent aucun doute sur le caractère meurtrier du lieu en question : la « courbe du diable » est par exemple le surnom d’un notoire virage dans lequel nombre de conducteurs auraient eu des hallucinations, décrivant une route droite au lieu de la courbe en épingle à cheveux.

En près de 4h de descente, nous sommes descendus de 3000 m et une bonne bière fraiche est la bienvenue après la toute dernière partie du trajet qui permet finalement de transpirer un peu en pédalant à plat pendant une demi-heure. En milieu d’après-midi, après un repas dans un hôtel-restaurant de Coroico, un rapide « plouf » dans la piscine de l’hôtel et une douche bien méritée, tout cela étant inclus dans le prix de l’excursion, nous prenons la direction de La Paz pour y revenir en fin de journée après plus de 3 heures de route.

Au final, nous avons passé une excellente journée, la prestation de « No Fear » est irréprochable, les guides sont sérieux et expérimentés à tel point qu’on en oublierait presque à certains moments le tragique passé de la « Route de la Mort ».