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Bariloche

Au départ d’El Chaltén, c’est un trajet en bus de 2 jours consécutifs qui nous attend, entrecoupés d’une nuit d’hôtel à mi-chemin, pour rejoindre San Carlos de Bariloche, 1400 km plus au Nord, toujours le long de la Cordillère des Andes.

San Carlos de Bariloche, plus communément appelée Bariloche, environ 120 000 habitants, située à 760 m d’altitude, est une ville de la province de Río Negro, construite sur la rive sud du lac Nahuel Huapi, d’une superficie de 557 km², soit une surface un peu inférieure à celle du lac Léman. Ce dernier est un lac d’origine glaciaire qui a la forme d’un trident de 80 km de long, dont les trois pointes s’incrustent à l’ouest contre les Andes, tout près de la frontière avec le Chili. Bariloche est située dans les Andes du Sud, qui, à la différence des Andes Centrales dépassant souvent les 4 000 mètres, sont traversées par des vallées orientées est-ouest, et sont suffisamment basses pour permettre aux vents humides du Pacifique de décharger la pluie du côté argentin des Andes. Ainsi, la montagne la plus haute de la région ne fait que 3 554 m. et l’altitude moyenne des sommets descend régulièrement au fur et à mesure que l’on descend vers le sud. La latitude de Bariloche est comparable, en Europe, à celle de la ville de Barcelone en Espagne, sur la Méditerranée. Pourtant, il y a des neiges éternelles dès 2100 mètres d’altitude.

La région de Bariloche, surnommée la « Suisse Argentine », est touristique et très réputée pour ses paysages de lacs et de montagnes, et pour sa station de sports d’hiver, possédant l’un des plus anciens et plus étendus domaine skiable d’Amérique de Sud (mais pas de ski pour moi ici puisque c’est l’été en ce moment), ainsi que ses cours d’eau riches en truites et saumons. Les jumelages de Bariloche ne laissent aucun doute sur sa célébrité en tant que station de sport d’hiver de renom en Amérique du Sud : Aspen (USA), Saint-Moritz (Suisse) ou Sestrières (Italie) sont des noms qu’aucun membre de la tribu Pavard n’ignore.

Fondée officiellement en mai 1902, son tout premier habitant était originaire de Suisse, et le nom « Bariloche », provenant de la langue des Mapuches, est dérivé du mot « Vuriloche », signifiant « homme de l’autre côté de la montagne ». Comptant à peine 35 000 habitants au début des années 1980, Bariloche a accueilli, pendant les décennies suivantes, des milliers d’immigrants, principalement d’immigration interne, mais aussi des étrangers en particulier de la Slovénie, de l’Allemagne, de la Suisse, et du Chili voisin. La croissance anarchique de la ville a été évitée de justesse grâce à l’impossibilité d’ériger des habitations dans le parc national Nahuel Huapi, à proximité immédiate de la ville. À cause de l’importante population germanophone de la ville, Bariloche fut aussi l’un des refuges d’anciens serviteurs du Troisième Reich, comme Erich Priebke et Reinhard Kopps, découverts en 1995. Certains pensent même que le médecin nazi du camp de Mauthausen, Aribert Heim, s’y cacherait encore.

Arrivés en début de soirée le 20/12/2013, nous allons avoir le plaisir de retrouver dans la rue, Nicola, l’italien rencontré à Salta, avec qui nous avions convenu de nous retrouver à Bariloche autour du 21/12, pour une bonne raison : nous fêtons tous les deux notre anniversaire ce jour (Nico étant juste âgé d’une année de plus). Nous rejoignons donc l’hôtel dans lequel il s’est installé et partons diner tous les 3 au restaurant.

Le lendemain, nous partons à la recherche d’une voiture de location que nous trouvons, non sans mal, en fin de matinée, et partons en direction du parc national pour une boucle de 230 km environ, empruntant une route appelée « route des 7 lacs », route touristique incontournable de la région. Les paysages me laissent rêveur (ils rappellent indéniablement la région d’Annecy ou les bords du lac Léman), les lacs sont nombreux, d’une eau d’une rare pureté, et on souhaiterait s’arrêter à chaque virage pour se baigner. En début d’après-midi, nous faisons une pause déjeuner à Villa La Angostura, à l’extrémité Nord-Ouest du lac Nahuel Huapi. Un repas délicieux où nous goutons trois viandes différentes : de l’agneau, du bœuf et du cerf. Nous reprenons la route et longeons le lac Traful par la rive Sud, passant par Villa Traful, une minuscule ville où les campings sont rois, à proximité de laquelle un mirador offre une vue exceptionnelle sur le lac.

Vers 20h, nous sommes de retour à l’hôtel et après quelques courses, Nico et moi nous mettons aux fourneaux. Il prépare une succulente salade de pâtes, en prenant soin de choisir le meilleur Pesto, l’huile d’olive la plus chère etc. et le résultat est une merveille. Quant à moi, « melons-sur. », non, je déconne, pas le jour de mon anniversaire ! Je nous prépare donc le seul autre plat que je suis capable de réaliser : une quiche lorraine, bien sûr ! Quel fils indigne je fais avec une maman bonne cuisinière comme la mienne ! Bon, certains disent que c’est l’intention qui compte, et ce soir, la bonne humeur est de mise, nous invitons donc tous les voyageurs de l’hôtel présents à se joindre à table pour fêter dignement avec nous ce double anniversaire et nous aurons même de nombreux compliments à propos de la cuisine. La soirée, la nuit se poursuit en compagnie des plus motivés, dont 2 membres du staff de l’hôtel qui ne sont pas de service ce soir, et nous passons tous une mémorable nuit (retour à 6h du mat’), j’ose même dire l’une des plus amusantes de tout le voyage. Bariloche restera dans mon cœur pour longtemps et je rêve déjà de pouvoir y retourner dans le futur !

El Chaltén

Bien, maintenant qu’on est complètement au Sud de l‘Argentine, et que notre prochain vol décolle de Rio de Janeiro le 23/01/2013, il nous reste quelques milliers de km en bus à avaler!

Nous amorçons donc une longue série de trajets en direction du Nord de l’Argentine, suivant dans un premier temps la Cordillère des Andes, nous tirerons ensuite vers l’Est pour rejoindre Buenos Aires, puis traverserons le « Rio de la Plata » pour rallier Montevideo en Uruguay afin de suivre enfin le littoral jusqu’à Rio de Janeiro au Brésil, avec un possible détour par les Chutes d’Iguazú, si l’agenda le permet. Encore un beau programme en perspective !

Pour l’heure, on ne va monter bien loin, notre prochaine étape, ne se situe qu’à 3 heures de bus plein Nord de la ville d’El Calafate. Le village d’El Chaltén, situé dans le département de Lago Argentino de la province de Santa Cruz doit son nom à Daniel Rodriguez, qui voulut rendre hommage à la culture Tehuelche au moment de la fondation du village, en 1985, de nombreuses sources rapportant que « Chaltén » signifie en Tehuelche « la montagne qui fume », en référence aux nuages fréquemment accrochés au sommet voisin portant initialement le nom de Chaltén avant d’être remplacé par celui de Fitz Roy par Francisco Moreno lors de son exploration en 1877. Il n’y avait encore presque rien sur ce site vers 1980, et les seules raisons d’être de ce village aujourd’hui en forte croissance sont le trekking et l’escalade. Le « Parc national des Glaciers », aux portes du village, attire les marcheurs qui disposent de nombreuses opportunités de randonnées et l’escalade du Cerro Fitz Roy attire des spécialistes de l’escalade du monde entier.

Nous partons pour une courte randonnée le premier jour, pour rejoindre une belle cascade appelée « Chorillo del Salto » située à environ une heure de marche du village, puis longeons un peu le torrent afin de trouver une piscine naturelle pour faire « trempette ». L’eau est franchement gelée, je ne suis pas sûr de m‘être baigné dans un torrent aussi froid de toute ma vie. Enfin « baigner » est un bien grand mot, puisque j’ai ressenti en seulement quelques secondes une sensation similaire à une brûlure sur la peau : pas exactement le genre de piscine dans laquelle on voudrait rester immergé pour boire tranquillement un cocktail !

Le 17/12/2012 (mais c’est qu’on approche de mon anniversaire !), on s’équipe cette fois un peu plus chaudement pour une randonnée plus longue appelée « Laguna de los 3 Cerros », qui permet d’approcher de très près l’illustre sommet Fitz Roy, un énorme monolithe de granite ayant une forme pyramidale, sculpté par les vents violents, par la neige et la glace, culminant à 3405 m. C’est le point culminant du massif du Fitz Roy, constitué principalement de deux chaînes de montagne d’orientation globale Nord-Sud, la chaîne du Fitz et la chaîne du Cerro Torre, situé à seulement 5 km a Sud-Ouest, ce dernier culminant à 3102 m. d’altitude. La toute première ascension du Fitz Roy fut réalisée en 1952 par des alpinistes français, Lionel Terray et Guido Magnone, après une série de tentatives infructueuses d’alpinistes majoritairement italiens et allemands entre 1937 et 1949.

Ce sont 3 heures de marche en pente légère puis un dernier tronçon d’une heure environ, nettement plus raide, qui permettent de rejoindre une lagune d’un bleu turquoise étonnant, cette dernière étant située au pied des deux sommets Torre et Fitz Roy. Quelle belle randonnée, chers parents ! Vous auriez sans l’ombre d’un doute grandement apprécié les paysages qui sont plus magiques les uns que les autres tout au long de la ballade : une variété de couleurs marquée par l’intense vert des forêts de hêtres australs, le blanc des glaciers, et le bleu azur du ciel et turquoise de la lagune. L’arrivée au pied du glacier surplombé par le Fitz Roy est vraiment spectaculaire. La randonnée ne présente aucune difficulté technique mas peut s’avérer un exercice un peu long pour les non habitués de la marche en montagne, mais elle reste un « must-see » pour les voyageurs qui font étape à El Chaltén. Ne ratez pas l’occasion d’approcher ce mythique sommet !

El Calafate et le glacier Perito Moreno

Cela fait un mois et demi que nous n’avons plus approché un aéroport, depuis notre arrivée à Lima, au Pérou, voyageant exclusivement par voie terrestre. Ce matin du 12/12/2013, compte tenu de notre prochaine destination, nous n’empruntons un bus que pour une courte demi-heure, le temps de rejoindre l’aéroport de Salta, d’où nous décollons en fin de matinée pour rejoindre la ville d’ « El Calafate » au Sud de la Patagonie argentine, avec une courte escale à Buenos Aires.

Lors de notre pause chilienne à San Pedro de Atacama, nous avons en effet pris la décision de remplacer notre séjour au Chili par une étape en Patagonie. Ce n’est pas qu’elle soit proche de Salta (3850 km à parcourir, tout de même), mais c’est une région nettement plus exotique, sauvage, que la ville de Santiago du Chili par exemple, et aussi moins accessible depuis l’Europe, alors tant qu’à avoir mis les pieds en Argentine, ça vaut la peine de pousser encore un peu plus au Sud. Mais compte tenu de l’éloignement de cette immense région avec le nord de l’Argentine, et au vu de notre agenda, la voie aérienne s’imposait au moins pour l’aller ou le retour.

La Patagonie, également appelée « Le Grand Sud », est un immense territoire comprenant principalement le Sud de l’Argentine et le Sud du Chili. La superficie de la Patagonie argentine est 5 fois plus importante que la partie chilienne ce qui fait un territoire plus grand que la France. Ces deux régions, séparées par la cordillère des Andes, abritent des paysages contrastés de montagnes, de glaciers, de pampa, de forêts subpolaires, de littoraux, d’îles et d’archipels : une variété rare! Habitée depuis plus de 10 000 ans par les Sud-Amérindiens tels les Mapuches, les Tehuelches ou les Selknams, ces terres furent décrites pour la première fois par l’italien Antonio Pigafetta dans son récit du premier tour du monde du navigateur portugais Fernand de Magellan publié en 1525. Après une colonisation lente et difficile, la plupart des autochtones disparurent, remplacés par une population métissée qu’on peut qualifier de « sud américano-européenne ». Avec une densité de 3,8 habitants par km2, la Patagonie est une des régions les moins peuplées au monde. Ses terres sont exploitées pour l’élevage de bétail en d’immenses fermes ou convoitées pour leurs ressources naturelles importantes. Elle représente des intérêts écologiques importants qui suscitent des convoitises de toute part. L’étymologie du mot « Patagonie » a fait l’objet de nombreuses recherches et controverses et un certain nombre d’interprétations ont longtemps convergé vers une relation avec l’idée de « grands pieds » en référence à l’unique témoignage de l’un des 18 survivants de l’expédition de Magellan autour du monde qui, de retour en Europe, début 1520, décrit dans un récit la rencontre avec un « géant » qui « était si grand que le plus grand de nous ne lui venait qu’à la ceinture » et précise plus loin que le capitaine qualifia ces gens par le terme « Pataghoni ». Le mythe des Géants Patagons ne s’estompa qu’à la fin du XVIIIème siècle, lorsque d’autres explorateurs rapportèrent des témoignages indiquant avoir rencontrés des Amérindiens pas plus grands que 2 m, certes plus grands que la moyenne européenne de l’époque, mais en aucun cas des « géants ». L’hypothèse aujourd’hui généralement retenue est que le nom « Patagonie » trouve son origine dans un roman de chevalerie publié en 1512 par Francisco Vázquez, évoquant une immense créature sauvage appelée « Patagón ». Ce roman très en vogue à l’époque, était sans doute connu de Magellan qui aurait associé les autochtones rencontrés, avec leurs peaux d’animaux en guise de vêtement et leur consommation de viande crue, à la créature décrite par Vázquez dans son roman.

La région fascine principalement pour sa nature sauvage mais aussi pour la population qu’elle a accueillie tout au long de l’Histoire. Les premiers occupants indiens furent exterminés par les colons anglais, puis par les changements d’habitudes alimentaires et par des maladies véhiculées par les nouveaux arrivants. Plus récemment, ces terres furent choisies comme terre d’exil pour les criminels emprisonnés à Ushuaia, pour les extravagants, les révoltés et également par les aventuriers en tout genre. La Patagonie a par exemple vu s’installer sur ces terres, Butch Cassidy, légendaire pilleur de banques et de trains ayant sévit aux États-Unis à la fin du XIXème siècle, puis plus récemment de nombreuses célébrités telles que Sylvester Stallone, Florent Pagny ou la famille Benetton.

Pour revenir à nos aventures, nous atterrissons donc le 12/12/2013, en fin de journée à El Calafate, environ 20 000 habitants, une petite ville de la province de Santa Cruz, située sur la rive Sud du lac « Argentino », le plus grand lac d’Argentine et le 3ème plus grand de tout le continent sud-américain. El Calafate est une localité chère et très touristique, qui doit sa notoriété au fait d’être la ville la plus proche, donc la porte d’accès, du « Parc national des Glaciers » ou « Parque Nacional Los Glaciares ». Ce parc, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1981, qui s’étend sur plus de 350 km du Nord au Sud et 50 km d’Est en Ouest, englobe entre autres 2 gigantesques lacs : le lac Argentino, ci-dessus évoqué et le lac Viedma plus au Nord, ainsi que plusieurs sommets emblématiques comme le Mont Fitz Roy ou le Cerro Torre. Mais son principal objectif, comme son nom l’indique, est la préservation des glaciers qu’il comprend. Et il y en a 48 en tout, dont certains s’étendent sur une superficie comparable à celle de la ville de Buenos Aires ! C’est le cas du Perito Moreno, le plus célèbre de tous, un glacier d’une incalculable valeur scénique, et facilement accessible en véhicule depuis El Calafate !

Ces nombreux glaciers, protégés par le parc national, ne sont en fait que les terminaisons d’une énorme calotte glaciaire d’environ 10 000 km2, appelée « Hielos Continentales Sur », répartie entre l’Argentine et le Chili, la plus grande calotte glaciaire continentale et la plus grande zone de glace après l’Antarctique et le Groenland. Ces 3 sites sont ce qu’il reste des longues périodes glaciaires que la Terre a vécu, lorsque près de 30% du globe était enseveli sous la glace !

Le jour suivant notre arrivée à El Calafate nous permet dans un premier temps d’organiser notre excursion au glacier Perito Moreno, prévue pour le 14/12/2013. Situé à environ 50 km de la ville d’El Calafate, il n’y a pas 36 façons de se rendre à cet extraordinaire glacier: c’est le bus, cher et peu flexible en termes d’horaires, ou la location d’un véhicule, envisageable uniquement si nous pouvons trouver 2 voyageurs ou un couple pour se partager les frais. Par chance, après avoir fait la quasi-intégralité des agences de location de la ville, je croise Markus et Olivia, un couple d’allemands arrivés hier soir par le même vol que nous avec qui nous n’avions pas eu de contact mais qui me semblent sympathiques. Je leur explique donc que j’ai déjà des offres de 2 agences et que c’est environ iso-coût que le bus mais bien plus sympathique et souple de partir en autonomie pour la journée. Le plan les branche (ils cherchaient eux aussi une excursion pour le lendemain) et me confirment donc une demi-heure plus tard leur accord pour que je réalise la réservation. RDV demain matin 9h30 à leur hôtel !

En attendant, nous profitons de la relative douceur du climat, même si le vent souffle fort, et de l’ensoleillement prolongé (c’est l’été en ce moment et le soleil ne se couche qu’entre 23h et minuit) pour aller nous promener en début de soirée sur les bords du lac Argentino dont les eaux turquoises sont un régal visuel.

Le lendemain matin, après une petite heure de route, en compagnie des allemands rencontrés hier, nous approchons enfin de l’extraordinaire Perito Moreno. Baptisé du nom de l’explorateur Francisco Moreno, ayant étudié cette région au XIXème siècle et ayant joué un rôle crucial dans la défense du territoire argentin, dans les discussions pour la délimitation de la frontière avec le Chili, ce monstre de près de 30 km de longueur présente une hauteur de glace de près de 170 m (bien qu’à certains endroits, l’épaisseur de glace atteigne 700 m.) dont 70 m sont émergés, son front de 5 km venant se jeter dans le lac Argentino. Il est l’un des 3 seuls glaciers de Patagonie (avec le Spegazzini) à ne pas être en régression et il est même considéré comme l’un des glaciers les plus vivants au monde puisqu’il avance d’environ deux mètres par jour soit près de 700 mètres par an.

Après avoir observé cette force de la nature depuis un mirador situé à quelques km, nous sommes maintenant à quelques dizaines de mètres du front de ce géant qui fait face à la péninsule de Magellan. Le bout de la péninsule est équipé de passerelles en bois s’étendant sur plusieurs km permettant d’observer et d’écouter un phénomène caractéristique de ce glacier appelé « rupture ». À la différence d’autres glaciers caractérisés par les effondrements de pans de glace, le Perito Moreno détache d’immenses blocs de glace dans un bruit impressionnant qui se répercute dans toute la vallée par écho. À n’importe quelle époque de l’année, se produisent des effondrements constants de ses murs de glace qui viennent se fracasser à la surface du lac Argentino, provoquant de mini-tsunamis. Le glacier atteint aujourd’hui la rive opposée et divise le lac en deux, créant des digues naturelles, provoquant une montée des eaux du bras Rico du lac Argentino qui érodent le glacier. Ce dernier devient moins résistant et finit par céder sous la pression. Cet effondrement spectaculaire du front du glacier a lieu périodiquement, mais la fréquence de ce cycle est irrégulière et peut prendre d’un an à une décennie. La première rupture a été observée en 1917. La dernière date de mars 2012, et les précédentes se sont produites en 2008, 2006 et 2004 à une fréquence supérieure à la moyenne du XXème siècle d’environ une fois tous les quatre à cinq ans. Il faut avoir beaucoup de chance pour être témoin de ce spectaculaire phénomène, mais pour le plus grand bonheur des touristes, de multiples épiphénomènes similaires se produisent quotidiennement et sont déjà impressionnants.

Une autre caractéristique du Perito Moreno est son intense couleur bleue par endroits. En fonction de la densité de la glace, plus au moins élevée selon sa teneur en air, la capacité d’absorption de la lumière varie. Lorsque la lumière solaire, formée d’un spectre d’ondes électromagnétiques comprenant toutes les nuances colorées, pénètre dans une partie compacte du glacier, ses composantes à grande longueur d’onde sont absorbées par les molécules d’eau glacée quand ses composantes bleues, de longueur d’onde plus courtes, sont réfléchies dans toutes les directions, l’œil humain percevant alors une couleur bleutée à la surface du glacier. Le Perito Moreno présente de nombreuses zones de très forte densité de glace et ce phénomène est donc particulièrement visible en son front.

Après ce magique spectacle, nous reprenons la route en contournant le lac Argentino par sa rive Sud et profitons de notre voiture de location pour nous écarter un peu d’El Calafate et nous enfoncer dans une Patagonie moins touristique. Le mauvais temps finit par avoir raison de nous et malgré notre intention initiale de rester tard dans la soirée aux côtés de Dame Nature, dans sa tenue la plus « sauvage », nous sommes contraints de rentrer bien plus tôt que l’heure du coucher du soleil, qui n’aura pas montré son visage de tout l’après-midi. La promenade nous aura au moins permis de photographier quelques paysages typiques ainsi que de nombreux animaux qui semblent apprécier pleinement leur lieu de vie et l’éloignement des êtres humains.