Pushkar

Le 12/06/2013, nous avons donc pris la route en direction du Sud-Ouest de Delhi. Pour parler un tout petit peu de géographie, beaucoup de touristes qui prévoient de faire du tourisme au Rajasthan font une route éminemment connue sous le nom de « Triangle d’Or », qui dessine donc un triangle formé, en son sommet, par la mégapole New Delhi puis en tournant dans le sens horaire, par Agra, la ville de l’illustre Taj Mahal, puis en continuant toujours dans le sens horaire par la ville de Jaipur, capitale du Rajasthan, ville de commerce et vitrine d’art (textiles et pierres précieuses) du Rajasthan.

Bon, et bien nous, pour ne pas faire comme tout le monde (un clin d’œil à Papa), on a décidé de partir dans l’autre sens. Pas uniquement pour ne pas suivre comme des moutons d’ailleurs, mais aussi parce c’est plus logique pour la fin de notre voyage en Inde, qui continuera en direction de l’Est de Delhi pour terminer à Calcutta). Nous allons donc dessiner une boucle par le sud du Rajasthan, un peu plus longue que le « Triangle d’Or » et en suivant le sens antihoraire : en principe, vous devez maintenant nous situer grossomodo sur un planisphère 😉

Notre première destination est Pushkar, c’est un village de pèlerinage de la religion Hindoue, dont émane un magnétisme particulier et que chaque pratiquant hindou doit avoir visité au moins une fois dans sa vie : allez, disons une sorte de « Mecque » de l’Hindouisme. La ville est construite autour d’un lac sacré, supposé avoir vue le jour lorsque Brahma (divinité hindoue) aurait jeté à cet endroit une fleur de Lotus.

A notre arrivée là-bas, nous préférons partir visiter Pushkar par nous même plutôt que de participer à un safari en chameau, qui nous semble être l’activité attrape-touriste par excellence. A ce propos, nous allons, dès ce jour, prendre un certain plaisir en Inde à détecter les très nombreuses activités qui nous semblent attrape-touristes et à les éviter habilement (Re-clin d’oeil, Dad). A Pushkar, nous visitons donc le temple de Brahma, le plus connu, très fréquenté par les hindous venant y déposer des offrandes de fleurs, qui jonchent le sol de ce mignon temple en marbre blanc. A l’intérieur, alors que nous restons en retrait du lieu d’offrande par respect pour les pèlerins, une dame âgée nous invite à participer au même titre que les hindous et nous resterons ensuite discuter un peu avec cette femme indienne, habitant en Angleterre depuis une dizaine d’années et en vacance en Inde, comme tous les étés. Nous sommes comblés par les rencontres que nous faisons, souvent de courte durée mais d’une sincérité et authenticité rares. De façon quotidienne, les gens dans la rue où lors de visites viennent nous saluer en nous demandant de quel pays nous venons puis en sollicitant une poignée de main ou une photo. Rares sont ceux qui le font par intérêt (en dehors des vendeurs ambulants, avec qui nous arrivons même à rester discuter un peu dans certains cas, en ayant clairement exprimé nos intentions de partage et non pas de consommation).

Ensuite, nous partons nous promener dans le bazar du centre-ville, puis suivons les bords du lac sacré, nous prenons des photos des pèlerins qui viennent s’y baigner, s’y tremper, nous écoutons la musique de fond, mélange de musique sacrée d’un temple lointain et de percussions d’un groupe rassemblé au bord du lac, le temps coule et nous nous laissons bercer par cette atmosphère relaxante.

De retour à l’hôtel, nouvelle rencontre, 2 gamins nous abordent : ils ont probablement moins de 10 ans, parlent un anglais approximatif mais suffisant pour nous comprendre et sont tous les 2 aussi crasseux qu’adorables. Ils ne veulent pas d’argent, mais juste un bout à manger et ils peuvent « partager un truc ensemble ». Alors, bien sûr, nous les invitons à nous montrer ce qu’ils veulent manger et faisons un bout de chemin avec eux jusqu’à arriver chez un épicier. Au lieu de bonbons, sucreries ou chips, ils nous indiquent qu’ils ont juste besoin de farine et de beurre, ingrédients de base des galettes de pain indiennes (appelées « Chapati ») qu’ils souhaitent ramener pour partager avec leur famille, nombreuse, au vue du nombre de frères et sœurs évoqués dans notre conversation avec eux. Pause photo avec leur « butin » et Magda puis ils s’éloignent, main dans la main, tous sourires. Des sourires qui valent tous les voyages du monde. Ils doivent connaitre des journées difficiles, certes, mais quand même, il semble parfois que la joie de vivre soit indépendante de toute notion de richesse.

New Delhi

Le jour suivant (11/06/2013), nous avons rendez-vous à 8h30 avec Nicky, le guide avec lequel nous allons passer quelques jours pour visiter le Rajasthan. Lors de cette première journée en sa compagnie, le programme est un tour des « Highlights touristiques » de New Delhi. Nicky connait bien puisqu’il y vit et il y travaille en tant que guide / chauffeur depuis plusieurs années. Nous allons avoir l’occasion de beaucoup partager avec lui au fur et à mesure des visites et des journées suivantes. Il nous parlera de sa famille, de son job. Il n’a pas eu la chance de faire d’études et il a appris l’anglais par les échanges avec les touristes qu’il conduit sans jamais mettre les pieds en dehors de l’Inde.

Il nous emmène donc à un endroit appelé « India Gate », un monument ressemblant à l’Arc de Triomphe parisien, érigé en hommage aux soldats indiens venus en aide à l’Angleterre au cours de la 1ère Guerre Mondiale et décédés au front.

Ensuite, nous allons visiter le Birla Mandir (également connu sous le nom Lakshmi Narayan Temple). Il s’agit d’un temple hindou dans les tons rouge et blanc, que l’on visite pied nus bien sûr, et dans lequel on retrouve des représentations de toutes les divinités vénérées dans l’hindouisme : Krishna, Divinité de la musique, Bramma, Vishnu, sont les quelques noms qui reviennent le plus souvent mais impossible de les retenir tous. En plus, pour nous rendre la tâche encore plus complexe, ils se réincarnent ces ****-là ! Par exemple, si j’ai bonne mémoire, Krishna s’est déjà réincarné 9 fois sous des personnalités et noms différents et le peuple hindou attend la 10ème réincarnation. Les fidèles et les moines du temple sont souvent loquaces : ils prennent du plaisir à partager avec les touristes ignares que nous sommes, leurs croyances et l’intérêt qu’ils portent à leur religion. Même si ils vénèrent plusieurs dizaines de divinités, une conversation avec l’un des moines se conclue par « Dieu est unique » (les divinités sont donc des représentations de rangs inférieurs). Magda me fait remarquer à la fin de la visite qu’elle a rarement ressenti un tel accueil dans une église : Il ne faut pas que son grand-père lise cela 😉
J’adhère complètement en tout cas.

Un autre site touristique de New Delhi que nous visitons est la mosquée Jama Masjid. Elle est située dans un quartier de New Delhi nommé « mini Pakistan » en référence au nombre important de pakistanais qui y résident. En traversant ce quartier avant d’arriver à la mosquée, la pauvreté et l’insalubrité sont omniprésentes, au moins autant qu’à Shadipur. Il nous semble que les habitants vivent ici avec plusieurs siècles de décalage par rapport aux occidentaux. A l’intérieur de la mosquée, l’ambiance est bien plus calme que celle qui règne dans le quartier. Nous faisons le tour du patio intérieur et je suis étonné par les différentes activités des fidèles. Très peu sont en train de prier. Beaucoup semblent être là pour se reposer, parfois en famille, certains dorment, d’autres discutent (peut-être de religion) rassemblés dans un coin, des enfants jouent autour du point d’eau central et quelques touristes, comme nous, se promènent, appareil au point. Magda, qui arbore une tunique bleue, imposée à l’entrée, est sollicitée pour être prise en photo avec un jeune enfant dans les bras et ses parents. Elle dit se sentir comme la princesse Jasmine. Nous prenons du plaisir à échanger des sourires ou serrer la main de ceux qui ne sont pas indifférents à notre présence.

Après la mosquée, nous passons prendre une photo ou deux autour du « Red Temple » et allons nous promener dans le parc détenant les cendres funéraires de l’illustre Ghandi.

Puis, nous partons pour le Lotus Temple, un monument récent extrêmement fréquenté, où les fidèles de toutes les religions peuvent venir prier, et nous visitons ensuite la Humayun’s Tomb, monument également connu sous le nom de « Mini Taj Mahal ».

Régulièrement, nous avons le plaisir de sentir la joie de certains indiens à voir des touristes blancs et de pouvoir échanger quelques mots et une poignée de main. Malgré l’extrême pauvreté ambiante, nous ne ressentons aucune agressivité où rejet de ce que nous représentons ici : l’Occident, la consommation. « Incredible India », terre de paix.

Pour finir la journée, nous passons prendre quelques photos de l’opulent palais présidentiel, qui parait-il contiendrait 315 chambres. Voilà donc un homme qui peut choisir de dormir dans un lit et une décoration différente presque tous les soirs de l’année, quand, à seulement quelques centaines de mètres, dans la même ville, une famille entière, de 3 générations, vit dans la rue, dont le plus jeune enfant qui n’a pas fêté son 1er anniversaire, dort à même le trottoir et ne mange qu’un jour sur deux ou trois. Ça noue la gorge, rien que de l’écrire. « Incredible India », terre de contraste.

Le soir, dans notre hôtel, nous finirons par redescendre de notre chambre pour apporter un peu de nourriture à cette famille qui nous aura marquée. (Et elles sont nombreuses dans cette situation, malheureusement) Nous remontons nous coucher en partageant la chance que nous avons d’avoir vu le jour au bon endroit sur notre planète. Nous devons dormir un peu mieux que la nuit précédente car la route pour Pushkar, notre prochains destination, sera longue demain : RDV 6H30 et 7 à 8h de route.

Arrivée en Inde

10/06/2013, 1h30 du matin, nous atterrissons à New Delhi. Le vol a été agite, non pas à cause de mauvaises conditions météorologiques mais plutôt parce que les passagers se déplacent sans cesse : ce joli bazar durant le vol nous donne déjà une petite idée de l’ambiance que nous allons trouver à destination, probablement assez loin de la stricte discipline et du respect des japonais que nous quittons. Avec nos sacs à dos de 20 kg, nous sortons de l’aéroport dans un climat presque tropical : lourd et le thermomètre affiche 36 degrés. L’Espagne, c’est une blague, en comparaison à ça, et c’est Magda qui le dit. Moi je vais souffrir, je le sens. Nous esquivons, non sans difficulté, les assauts des chauffeurs de taxi illégaux et parvenons à monter dans un taxi légal, mais pas de chance, le chauffeur ne parle ni ne comprend l’anglais. OK, je ne suis pas de la meilleure humeur possible mais on va se débrouiller. Nous pénétrons dans la jungle New Delhi de nuit. A l’approche de notre hôtel il y a des gens dehors comme si il faisait plein jour, la chaleur est insupportable, on croise des regards, les rues ne sont plus bétonnées, notre hôtel devrait être dans ce quartier, pourri, difficilement qualifiable autrement, proche de l’aéroport. Le chauffeur ne trouve pas l´hôtel, alors il demande à des jeunes qui trainent autour des cendres d’un précédent pseudo barbecue : pas de réponse. Nous finissons par trouver notre hôtel au fond d’un genre de terrain vague, il est 3h du mat’.
2 garçons nous reçoivent à la réception, leur « patron » nous rejoint. Rien qu’à voir ses yeux, lui, je pense qu’il boit autre chose que du jus de fruit le matin ;-). Il étudie avec grande difficulté le livre des réservations, avachi dans un fauteuil, sans aucun formalisme ni protocole de bienvenue. On nous accompagne dans notre chambre, équipée d’une salle de bain et de l’air conditionné, absolument indispensable pour espérer fermer un œil cette nuit. 3h15 du mat’, nous refermons derrière nous le verrou de la porte et la tension redescend : nous étions depuis 1h30 dans un état assez proche de l’apnée, je crois. Nous nous couchons sans trop partager nos sensations mais nous savons chacun ce que l’autre vit de l’intérieur. Premières impressions assez désagréables donc, mais cela va vite changer.

Le lendemain, check-out à 12h, même si je suis réveillé depuis 9h du matin et on nous conseille à la réception de prendre un Tuk-Tuk (ces fameux engins motorisés à 3 roues, totalement instables avec 2 places derrière le « pilote »), plutôt qu’un taxi pour rejoindre le centre-ville de Delhi. C’est beaucoup moins cher. Nous sortons de l’hôtel, il fait maintenant 45 degrés : il nous faut vite, très vite, trouver un Tuk-Tuk avant de rôtir comme des merguez. Coup de bol, on tombe assez vite sur une offre que nous négocions par pur principe. Avec notre dégaine, la proposition doit être 3 fois au-dessus des prix locaux. On paiera finalement 2/3 de la proposition initiale. On prend donc la direction de Shadipur, un quartier de Delhi où nous attend un habitant de Delhi, contacté préalablement par couchsurfer.org pour nous héberger pour 2 nuits. Le trajet en Tuk-Tuk, ce n’est pas pour les cardiaques, l’engin se place sur la route de façon improbable et le code de la route peut se résumer ainsi: le plus gros et celui qui klaxonne en premier passe devant. On attire manifestement l’attention, même à l’arrière de notre Tuk-Tuk, sous une bâche, sur l’autoroute qui mène à New Delhi.

Arrivés à la station de métro de Shadipur, nous quittons l’engin avec notre chargement et partons à pied dans un quartier dont l’extrême pauvreté saute immédiatement à la figure. La claque que nous attendions, c’est pour aujourd’hui, du coup, on oublie un peu les kilos sur le dos et on fait le maximum pour ne pas avoir l’air trop surpris. On passe à côté d’une fille de moins de 5 ans qui dort sur le trottoir et Magda veut s’arrêter pour lui proposer de l’eau. Mon instinct me dit que ce n’est pas approprié, on attire déjà beaucoup l’attention, on est chargé, la jeune fille semble dormir et il faudrait la réveiller. Je donne mon avis à Magda : on risque de devoir accepter notre sentiment d’impuissance et nous devrions peut-être nous donner un peu de temps avant d’interagir.
Apres être entré dans le quartier de Shadipur, impossible de savoir où nous sommes ni vers où nous diriger : les rues sont des chemins de terre boueux, étroits, pas la place pour les voitures, c’est poussiéreux, plein de monde, assis, allongés, souvent par terre, essayant de dormir comme ils peuvent. Après avoir demandé 2 ou 3 fois notre chemin, nous atterrissons finalement chez un indien tatoué et le visage plein de piercing aimable, accueillant, que nous pensons être notre hôte. Il nous explique que Gurvinder, notre hôte, n’habite pas ici mais qu’un ami à lui va nous conduire jusqu’à chez lui. Pour l’instant, impossible de savoir de qui nous fier où nous méfier, mais aucun nom de rue ni possibilité de trouver seuls notre hôte, nous devons donc suivre en observant attentivement l’environnement. Moi je prie que mon sens de l’orientation ne me trahisse pas car le seul repère que j’ai, c’est la station de métro de Shadipur qui est loin derrière nous mais dont je crois deviner la direction, enfin, j’espère.

En chemin, certains enfants prononcent des « Hello » à notre vue, certains nous tendent la main, que nous serrons en retour en souriant le plus possible pour signifier notre intérêt, d’autres s’approchent en rigolant puis s‘éloignent. Les gens nous regardent parfois avec un air méfiant, mais les sourires finissent par faire leur effet et nous en obtenons de façon réciproque. Nous commençons doucement à découvrir la philosophie de l’Inde : si tu montres ton meilleur côté, eux te montrent le leur.
Nous finissions par arriver chez notre hôte, un passionné du Népal, de la méditation, qui nous réserve un très chaleureux accueil en nous expliquant qui il est et quels sont les projets de l’association qu’il représente : éducation des femmes et des enfants, création de centres d’éducation afin de sortir les plus démunis de la rue etc… Il est habitué à recevoir des volontaires et des couchsurfers et il utilise d’ailleurs la communauté couchsurfers pour promouvoir son association et ses projets.

Après nous être installés, nous décidons de repartir en direction du métro pour rejoindre le centre-ville de New Delhi. On trouve un restaurant et on s’installe pour déjeuner. Puis en se baladant, on décide de rentrer dans une agence de voyage pour réserver nos trains pour la suite du voyage : dans moins de 3 semaines, nous devons être à Calcutta après une étape intermédiaire à Varanasi. Après une petite heure de discussion, les dates de nos trains sont bloquées et nous avons même un chouette programme pour visiter le Rajasthan pendant 10 jours avant de prendre la route vers l’est de l’Inde.

Nous rentrons chez notre hôte à la tombée de la nuit et retrouvons la pauvreté et le chaos de Shadipur. On croise de tout dans ce quartier : des gens à pied, à vélo, à moto, des chèvres, des porcs. A la tombée de la nuit, nous ressentons que notre présence ici n’est peut-être pas une excellente idée : les regards ne sont pas menaçants mais nous ne nous sentons pas vraiment à notre place et n’avons pas croisé d’autres touristes ici. Nous décidons de dormir cette nuit ici mais de changer d’endroit pour demain soir. La suite de notre voyage va s’avérer nettement plus confortable (et tant mieux, ne nous le cachons pas) mais c’est aussi ce qui éloigne peut-être un peu de la triste réalité de ce pays d’une certaine manière. Du coup, à l´heure où nous écrivons ces lignes (3 jours après), malgré la chaleur suffocante de la première nuit, et le peu d’heure de sommeil dû à l’inconfort de dormir à même le sol (on était à l’intérieur quand même), nous sommes heureux, très heureux d’avoir vécu Shadipur de l’intérieur, même si ce fut court.