Rio de Janeiro

Avant-dernière étape de notre « promenade » de quelques mois, nous vous proposons aujourd’hui de découvrir, au travers de ces quelques lignes et photos, la deuxième plus grande ville du Brésil derrière São Paulo: Rio de Janeiro.

La « cidade maravilhosa » (vous aurez compris « ville merveilleuse ») porte décidément bien son nom. Autour de la majestueuse baie de Guanabara, que les explorateurs portugais confondirent avec l’embouchure d’un fleuve (d’où son nom, qui signifie littéralement « fleuve de janvier »), la mégapole aux 6 millions d’habitants intra-muros (appelés les « Cariocas ») et près de 13 millions dans son aire urbaine partage une proximité étonnante avec la nature, omniprésente.

La beauté de Rio dépasse l’entendement: aucun site urbain au monde n’aligne une telle succession de baies et de plages au pied d’un relief aussi accidenté qu’escarpé : l’endroit est magique. Depuis le 1er juillet 2012, la ville est d’ailleurs inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco dans la catégorie « Paysage culturel urbain » et Rio est la première ville à obtenir le titre dans cette catégorie. Copacabana, Ipanema, le Pain de Sucre, le Corcovado, le carnaval etc., des noms qui sonnent familiers même quand on n’a jamais mis les pieds au Brésil ! Nombreuses images de Rio de Janeiro sont elles aussi universellement connues : elles évoquent un irrésistible art de vivre teinté d’hédonisme. Les Cariocas semblent y être pour beaucoup : chaleureux, expansifs, séducteurs, on ne peut que tomber sous leur charme.

Le 18 janvier, en fin de journée, après 22h de bus depuis Foz do Iguaçu, nous rencontrons justement nos accueillants hôtes pour les 5 prochains jours : Marlène et Antonio. Nous avons en effet choisi de passer par Airbnb pour nous loger à Rio afin de changer un peu du type d’auberges que nous fréquentons depuis plusieurs semaines. Séducteurs ? Pas franchement, mais Marlène et Antonio nous reçoivent en effet très chaleureusement dans leur immense appartement en plein centre du quartier Flamengo, un excellent choix à mi-chemin entre les célébrissimes plages de Rio et son centre-ville historique. Bavarde et exubérante, Marlène a pris soin de nous préparer un « dîner » d’accueil et nous tient compagnie pour notre première soirée chez eux : nous nous sentons immédiatement reçus comme chez nos parents !

Le lendemain matin, après un copieux et délicieux petit-déjeuner préparé avec grand soin par la maîtresse de maison (Marlène nous fera en effet gouter tout au long de la semaine deux ou trois de ces spécialités pâtissières : un délicieux « Carrot cake » et un riche gâteau « chocolat & caramel » dont une seule part suffira à me nourrir pour le reste de notre séjour chez eux !), nous partons à la découverte des proches quartiers et plages de leur domicile.

Botafogo, ancien bastion de l’aristocratie brésilienne, datant de la fin du XIXème siècle, est aujourd’hui un quartier de classe moyenne-supérieure connu pour ses centres commerciaux, centres d’affaires, ainsi que ses nombreuses écoles, cliniques et hôpitaux. La plage de Botafogo, déconseillée à la baignade pour des questions de pollution des eaux, accueille la marina de Botafogo, ainsi que le Yacht Club de Rio de Janeiro, et la baie fait face à l’immanquable « Pain de Sucre ».

Flamengo, situé immédiatement au nord de Botafogo, est un quartier noble de Rio, principalement habité par des classes aisées, et son agréable plage est relativement peu fréquentée par les touristes en comparaison à Copacabana ou Ipanema. En revanche de nombreux Cariocas y viennent quotidiennement pratiquer des sports de plage et les larges avenues du parc de Flamengo, fermées le dimanche, attirent de nombreux joggeurs et cyclistes. Flamengo et Botafogo sont également deux des plus importants clubs de football de la ville, dont la popularité dépasse largement les frontières de Rio, s’étendant sur l’ensemble du territoire brésilien grâce à de nombreuses victoires ou places de choix en championnat et dans les compétitions latino-américaines.

En milieu de journée, nous nous dirigeons à pied vers Santa Teresa, ancien quartier huppé, habité par la classe supérieure de la ville au XIXème siècle, avant que la jetset ne migre vers Copacabana dans les années 1960. Ce quartier plein de charme, de grand intérêt artistique, culturel et touristique, affectueusement appelé par les Cariocas « Santa », est parsemé de ruelles tortueuses et revient à la mode avec l’ouverture de nombreuses « pousadas » (« auberges ») notamment par des Français. Santa Teresa fut l’une des premières extensions de la ville et vit fleurir des maisons inspirées de l’architecture française dont certaines subsistent encore. Autour de 1850, le quartier fut un refuge pour bon nombre de Cariocas fuyant l’épidémie de fièvre jaune qui frappa violemment Rio : étant localisé sur les hauteurs de la ville (on l’appelle le « Montmartre de Rio »), « Santa » fut moins touché par l’épidémie que le reste de la ville. En 1872, arriva le « bonde electrico » (tramway) qui devint le symbole du quartier et permit de joindre Santa Teresa au centre-ville par les arcs de Lapa, un ancien aqueduc désaffecté. Actuellement l’unique ligne de tramway n’est plus en fonctionnement à la suite d’un accident tragique en Août 2011, tuant six personnes. L’État, responsable de l’exploitation du tramway décida alors de le paralyser temporairement jusqu’à ce que des transformations soient effectuées pour moderniser le système. Suite à de nombreuses manifestations organisées par les résidents, le système de tramway historique fut classé et sera donc préservé pour recevoir un nouveau tramway qui doit voir le jour en 2014.

En début d’après-midi, nous prenons la direction du mont Corcovado, ce pic de granite de 710 mètres d’altitude, situé en plein centre de la forêt de Tijuca, et offrant une vue privilégiée sur la ville de Rio et la baie de Guanabara, est mondialement célèbre pour accueillir en son sommet la statue du Christ Rédempteur, passée au fil des ans du statut de simple monument religieux à ses débuts, au rang d’emblème reconnu internationalement de la ville et du pays. La célèbre statue du Christ, bras en croix, visible de tous les quartiers de Rio, est due à la collaboration du sculpteur français Paul Landowski et de l’architecte brésilien Heitor da Silva Costa. La première pierre est posée le 4 avril 1922, mais les travaux ne débutent réellement qu’en 1926 et dureront 5 années. La cérémonie d’inauguration a lieu le 12 octobre 1931, en présence du cardinal Dom Sebastião Leme dont le discours de consécration du monument ne laisse aucun doute sur les objectifs d’un tel ouvrage : évangélisation et reprise du pouvoir de l’Église dans un État républicain. La statue mesure 38 mètres de haut (dont 30 pour le Christ et 8 pour le piédestal), et pèse 1 145 tonnes. La tête mesure près de 4 m et pèse 30 tonnes, les mains mesurent 3,20 m et pèse 8 tonnes chacune, et l’envergure entre les deux mains est de 28 mètres (elle est donc presque aussi large que haute). Ces dimensions font d’elle l’une des plus grandes statues du genre au monde. Classé monument historique depuis 1973, le Christ du Corcovado est, de nos jours, l’un des endroits touristiques les plus fréquentés de Rio avec 750 000 visiteurs par an environ.

Depuis une quinzaine d’années, le monument a été le théâtre d’événements anecdotiques variés. En 1999 le parachutiste autrichien et champion du monde de base jump, Felix Baumgartner, a sauté du haut de la statue, réalisant ainsi le saut le plus bas jamais exécuté (38 mètres). Le 7 juillet 2007, ce monument a été choisi comme l’une des sept « nouvelles merveilles du monde » par plus de 100 millions d’internautes, à la suite de quoi l’UNESCO a souhaité rappeler par communiqué qu’elle n’avait aucun lien avec cet événement. Enfin, la statue est régulièrement endommagée par la foudre qui la touche en moyenne six fois par an, obligeant ainsi à de fréquentes restaurations. Tout récemment, seulement 2 jours avant notre arrivée, le 16 janvier 2014, la moitié du pouce de sa main droite est cassée par la foudre lors d’un orage au cour duquel plus de 40 000 éclairs sont tombés sur Rio. Un câble paratonnerre et d’autres équipements sont pourtant disposés pour éviter ces dommages mais le câble ne s’étend que sur la tête et les bras, s’arrêtant au poignet (ce qui va probablement faire l’objet de corrections là aussi). Au pied de la statue, le pic offre une vue panoramique exceptionnelle sur le centre-ville, avec notamment le Pain de Sucre, le lac Rodrigo de Freitas, les plages de Copacabana et Ipanema, ainsi que plusieurs favelas de la ville.

Nous finissons cette chargée première journée en allant faire le tour du lac salé Rodrigo de Freitas, une étendue d’eau située dans la zone sud de la ville, à proximité de la plage d’Ipanema. Ce lagon, alimenté en eau salée grâce à un petit canal traversant le parc Jardim de Alá (« Jardin d’Allah ») qui se jette dans l’océan Atlantique, fait face à des problèmes chroniques de pollution des eaux et des terres qu’il abrite : la prolifération des algues invasives est nocive pour la reproduction des poissons ou d’autres plantes aquatiques. Le circuit de promenade autour du lagon n’en reste pas moins un endroit très agréable offrant une luminosité fantastique par un dimanche après-midi ensoleillé.

Le lendemain, direction la mythique plage d’Ipanema, située dans le quartier résidentiel le plus chic et sélect de la ville. Aujourd’hui, Ipanema est le centre de la mode et de la sophistication. Les plus luxueuses boutiques de Rio bordent les rues d’Ipanema et de Leblon. La plage est moins étendue que celle de Copacabana, mais elle est le lieu de rendez-vous de la jeunesse dorée de Rio, et de la communauté homosexuelle et elle est sans doute la plus romantique des vingt-cinq plages que compte Rio. Tout comme à Copacabana, Ipanema est segmentée en différentes zones, appelées « postes », rassemblant des groupes et communautés différentes : la jeunesse dorée au poste 9, les homosexuels au poste 8, les familles au poste X, et les jeunes de favelas au poste Y, les joueurs de beach-volley au poste Z etc. Ipanema est un mot guarani, signifiant « mauvaises eaux » qui illustre les forts courants et les fortes vagues à cet endroit, obligeant régulièrement les hélicoptères de la police militaire à ramener sur la plage des baigneurs imprudents. Ipanema est enfin le berceau de la bossa nova inventée par João Gilberto. C’est de cette plage dont il est question, dans la chanson « Garota de Ipanema » (« La fille de Ipanema ») créée par deux brésiliens, résidents d’Ipanema, puis traduite en de très nombreuses langues. À Rio, et particulièrement à Ipanema, l’apparence physique a une importance particulière; c’est pourquoi on y trouve de nombreux établissements liés au culte du corps: cliniques de chirurgie esthétique accueillant les très nombreuses brésiliennes qui souhaitent se faire refaire les seins, faire des épilations définitives, des liposucions ou des liftings; les salles de sport, souvent ouvertes très tard le soir, voire 24h/24, sont ultra-modernes et sont bien plus que de simples lieux d’activité sportive, mais de véritables institutions; enfin les salons de coiffure-manucure, même les moins élitistes, proposent des services de manucure-pédicure et d’épilation. Il paraît qu’il n’est pas rare que les Brésiliennes s’y fassent teindre le pubis de la même couleur que leurs cheveux pour éviter de paraître âgées, mêmes nues!

En fin d’après-midi, nous nous rendons au Pain de Sucre (Pão de Açúcar en portugais), ce monolithe de granite culminant à 400 m, accessible en téléphérique et qui devrait son nom à sa forme très particulière évoquant les blocs de sucre raffiné et placé dans des moules en argile pour être transportés par bateau à l’époque du commerce de la canne à sucre. Il se situe sur une péninsule à l’entrée de la baie de Guanabara. Gardien solitaire de l’entrée de la baie, il est le seul pic parmi tous ceux de la ville de Rio de Janeiro à s’élever directement depuis le bord de mer. Depuis son sommet, quelque soit l’heure du jour, les panoramas sont splendides : vue sur la baie, sur les plages de Copacabana, d’Ipanema, les quartiers de Botafogo, de Flamengo et en face, le Corcovado surmonté du Christ Rédempteur. Le Pain de Sucre, avec le « Morro da Babilônia » et le « Morro da Urca » sont très fréquentés par les amateurs d’escalade : ils forment l’un des plus grands ensembles de pratique de l’escalade en zone urbaine, avec plus de 270 voies. En fin de journée nous profitons d’un coucher de soleil somptueux sur la baie de Guanabara.

Moins souvent cité sur la carte postale, le centre-ville, que nous visitons le lendemain, est un quartier disparate, où les immeubles d’affaire modernes côtoient les vestiges architecturaux du temps où Rio entretenait des rêves de grandeur et se comparait aux capitales européennes. On s’y balade sans trop savoir quelle identité s’impose, passant d’une avenue monumentale à une ruelle peuplée d’échoppes d’artisans. Nous retiendrons le magnifique « Real Gabinete Português de Leitura » (« Cabinet Royal Portugais de lecture »), fondé en 1837, à l’initiative d’un groupe de 43 émigrants portugais. Ce merveilleux bijou néogothique frappe par l’élégance de sa façade autant que par sa haute salle bardée de rangées de livres anciens (près de 350 000 ouvrages) qui reçoit, comme la Bibliothèque Nationale à Paris, un exemplaire de chaque livre publié au Portugal. Ce joyau de l’architecture du 19e siècle, souvent méconnu des touristes et des Cariocas eux-mêmes, n’est définitivement pas une bibliothèque comme les autres. Des étagères aux boiseries précieuses, un plafond orné d’un vitrail laissant filtrer la lumière, un gigantesque lustre au milieu de la pièce: la salle principale est d’une beauté rare qui lui a valu d’être classée 2ème plus belle bibliothèque au monde ! Enfin, la Cathédrale Sao Sebastiao inaugurée an 1976, tout en verre et en béton armé, de forme conique, ultramoderne, vaut le détour rien que pour son originalité. Au rez-de-chaussée, une crypte surprenante dont les hautes cloisons sont percées d’orifices permettant d’y glisser des cercueils: c’est le nouveau cimetière de Rio. Au bout de deux ans, on retire les corps enterrés au cimetière pour les installer ici, au rez-de-chaussée de la cathédrale.

Nous avons gardé la plage de Copacabana comme destination pour le dernier jour de notre parenthèse à Rio. Située dans le district du même nom, la plage de Copacabana, et son prolongement au nord, le Leme, avec ses six kilomètres de longueur qui décrivent une courbe parfaite, reste certainement la plage préférée des étrangers et l’une des plages les plus célèbres de la planète. Elle acquit sa notoriété dans les années 1920, avec la construction, en 1923 du prestigieux Copacabana Palace, le seul hôtel de luxe de toute l’Amérique latine à l’époque. En été, sa population se compte par centaine de milliers. Les vendeurs de boissons, de crèmes solaires, de chapeaux, de sandales, et de bikinis arpentent la plage à longueur de journée : une plage à privilégier en milieu de semaine pour les plus allergiques au tourisme de masse !

Enfin comment parler de Rio de Janeiro sans évoquer le phénomène bien connu des favelas, qui rassemblent entre 20 et 30% de la population carioca. Les favelas poussent à un rythme soutenu car elles regroupent les populations les plus pauvres composées de nouveaux arrivants, de familles en situation de grande précarité, de marginaux mais aussi et surtout de travailleurs pauvres. C’est donc le point de chute de tous ceux qui n’ont pas accès aux logements sociaux. Leurs habitats, souvent concentrés sur les pentes escarpées des collines, sont en général un amalgame de matériaux de fortune récupérés sur les dépôts d’ordures au fur et à mesure des besoins. Cette situation engendre de nombreux accidents lors des glissements de terrains faisant suite, la plupart du temps, à de fortes précipitations. Celles-ci minent les fondations et font alors glisser des blocs entiers de maisons. Leur apparence chaotique cache pourtant une organisation précise et très hiérarchisée de l’espace, des règles et des usages. Le pouvoir étant souvent entre les mains des gangs et des narcotrafiquants qui y ont élu domicile. De ce fait, les favelas sont aussi le théâtre de violences, souvent dues au trafic de drogue et à des guerres de gangs. Véritable ville dans la ville, la favela fait peur à qui ne l’habite pas et les touristes n’y mettent pas les pieds à moins de participer à un tour organisé par un guide spécialisé (souvent des anciens habitants), comme il en existe un certain nombre à Rio (nous n’avons pas souhaité tenter l’expérience, afin d’éviter le malaise possiblement généré par ce genre de circuits consistant à « promener » au milieu des favelas, des touristes complètement étrangers au quotidien des habitants). J’ai du relire le chiffre plusieurs fois pour être certain d’avoir bien lu : ce sont près de 1000 favelas (968, exactement) qui sont référencées dans la ville de Rio, les plus connues étant Ladeira dos Tabajaras, Santa Marta, Rocinha, Cidade de Deus (le film brésilien du même nom sorti en 2002 raconte notamment la criminalité et la façon dont « Ze Pequeno » contrôla la favela du début des années 1970 jusqu’à la fin des années 1980) et enfin, Dona Marta, le bidonville choisit par Michael Jackson, King of Pop, pour tourner une partie du vidéoclip de l’émouvant single « They Don’t Care About Us ». Même si la situation de certaines favelas reste complexe, depuis quelques années, la municipalité de Rio effectue un travail important de « viabilisation », en construisant « en dur », en apportant l’eau, l’électricité et le téléphone. Depuis que le Brésil s’est vu offrir l’organisation de la Coupe du monde de football de 2014 et celle des Jeux olympiques d’été de 2016, les pouvoirs publics brésiliens ont décidé d’utiliser à la fois des moyens militaires, pour déloger les narcotrafiquants et reprendre rapidement le contrôle de zones qui étaient devenues des zones de non-droit, à l’image notamment de Vila Cruzeiro, en novembre 2010, et des moyens préventifs, tels que les Unités de Police Pacificatrice (UPP), des unités de Police de proximité instituées au sein même des favelas afin de désarticuler doucement les groupes qui contrôlaient ces territoires sous forme d’états parallèles. Dans certaines favelas, le crime organisé a déjà été totalement éradiqué, dans d’autres, il est en voie de démantèlement.

Rio est en synthèse une ville pleine de contrastes, où se côtoient quartiers chics et favelas, où s’exhibent les corps travaillés ou « remodelés », où la pratique du sport est une religion et dont la beauté indiscutable met définitivement tout le monde d’accord.

Chutes d’Iguazú

Partis le 15/01/2014 en soirée de Florianópolis, nous arrivons en matinée le lendemain à Foz do Iguaçu, à la frontière de non pas deux, mais trois pays : c’est ici que se rencontrent le Brésil, le Paraguay (la ville de Ciudad del Este étant juste en face de Foz, sur l’autre rive du Río Paraná) et l’Argentine (la ville de Puerto Iguazú se trouvant en face de Foz également, de l’autre côté du Río Iguazú).

Et ce qui attire ici chaque année plusieurs millions de touristes du monde entier, ce sont les célébrissimes Chutes d’Iguazú, une merveille naturelle découverte au XVIème siècle par un explorateur espagnol, situées au milieu de la forêt tropicale et réparties entre l’Argentine (80%) et le Brésil (20%). Deux Parcs Nationaux portant le même nom se font face à cet endroit du globe : le Parc National « d’Iguazú », du côté argentin de la rivière Iguazú (qui tire son nom du terme indigène « grande eau »), et la partie brésilienne, sur l’autre rive, appelée Parc National de « l’Iguaçu », respectivement déclarés au Patrimoine Mondial par l’UNESCO en 1984 et 1986, et couvrant à eux deux, une surface d’environ 240 000 hectares. Figurant parmi les plus spectaculaires chutes d’eau sur Terre, cet ensemble de 275 cascades, interrompt le cours de la rivière Iguazú, affluent du Paraná, entre l’Etat brésilien du Paraná et la province de Misiones, formant un front d’eau en demi-cercle de près de 3 kilomètres de large et 80 mètres de haut, déversant jusqu’à 6 millions de litres d’eau par seconde : un spectacle visuel et acoustique ahurissant !

De grands nuages formés de gouttelettes humidifient en permanence les nombreuses îles de la rivière et les forêts riveraines créant ainsi un microclimat extrêmement humide favorable à une végétation subtropicale luxuriante et dense où vit une faune très variée : papillons, insectes, et de nombreux animaux sauvages tels que tapirs, fourmiliers géants, singes hurleurs, ocelots, jaguars et caïmans. Le territoire détiendrait près de 400 espèces d’oiseaux, dont l’insaisissable aigle appelé « harpie féroce ». La flore est elle aussi exceptionnelle avec environ 2000 espèces de plantes dont 80 espèces différentes d’arbres représentées. Les 2 Parcs Nationaux constituent un des plus importants vestiges de la « forêt atlantique intérieure », une des priorités de conservation mondiale les plus menacées : en cause, une exploitation forestière intensive qui continue de peser dangereusement sur l’écosystème local.

Il existe de multiples façons de découvrir ces majestueuses chutes d’eau : de la simple promenade à pied en suivant les itinéraires dessinés au sein du parc national, en passant par l’approche fluviale dans des zodiacs surpuissants, jusqu’au survol en hélicoptère ! Même si les voies fluviales et aériennes offrent sans aucun doute des perspectives à couper le souffle, nous nous en tiendrons à la ballade à pied : ça reste de l’eau et si nous n’avons pas survolé le Grand Canyon du Colorado en hélicoptère, nous ne sommes pas décidés à vider le reste de nos économies pour 15 minutes de sensations fortes au dessus d’Iguazú !

Immédiatement après notre arrivée à l’hôtel, nous fonçons donc dès le début d’après-midi vers l’entrée du Parc et commençons la visite par la « Garganta del Diablo », la plus haute chute d’eau du site (700 m de long, 150 m de large et près de 90 m de haut), que nous rejoignons après un court trajet en train et une ballade de quelques centaines de mètres sur des passerelles en bois traversant, en amont, la rivière Iguazú. Nous choisissons de commencer par ce point de vue car c’est le plus éloigné de l’entrée du Parc cet donc celui qui ferme en premier : pas question d’être venu jusque-là et de risquer de rater ce mirador. De plus, sur cette impressionnante plateforme, c’est la douche assurée, alors tant qu’à se faire tremper, autant que ce soit en début d’après-midi, histoire de pouvoir sécher assez vite, tant qu’il fait encore chaud ! A cet endroit, plus que la vue, c’est le bruit assourdissant qui permet de commencer à mesurer la puissance de la nature.

En suivant ensuite les deux itinéraires proposés (parcours inférieur et parcours supérieur) au milieu d’un somptueux décor subtropical, nous réalisons vite l’extraordinaire biodiversité du lieu et découvrons finalement l’ampleur du front d’eau, sous différents angles, depuis des points de vue distants qui offrent une vue plus globale sur cette fantastique rupture. Les arc-en-ciel sont omniprésents, à toute heure de la journée tant l’air est humide, et la lumière du soleil vers la fin de la journée vient finalement baigner le site rendant chaque photo plus magique que la précédente.

Pour l’anecdote, la cascade voisine des « Sept Chutes » était la plus importante cascade d’eau au monde jusqu’à la fin des années 1970, tout aussi impressionnante que les chutes d’Iguazú, mais cet ensemble a été englouti en 1982 suite à la mise en eau du réservoir du barrage d’Itaipu, l’afflux touristique se tournant alors petit à petit vers les chutes d’Iguazú.

Florianópolis

Le 10/01/2014, en milieu d’après-midi, avec quelques heures de retard, notre bus arrive enfin à destination: le terminal régional de Florianópolis, sur la côte atlantique brésilienne, 1000 km au nord-est de la frontière avec l’Uruguay.

Le Brésil, c’est notre avant-dernière étape, un gigantesque territoire d’environ 8,5 Millions de km2, une population de plus de 200 Millions d’habitants (le plus vaste et le plus peuplé d’Amérique latine), et un PIB de presque 2 400 Milliards de dollars américains, ce qui le place, en 2012, à la 7ème position en terme de puissance économique mondiale, juste derrière la France (5ème) et le Royaume-Uni (6ème).

C’est un territoire tellement gigantesque, couvrant la moitié de l’Amérique latine et partageant ses frontières avec tous les pays du sous-continent à l’exception du Chili et de l’Équateur, que nous ne pourrons en découvrir qu’une toute petite frange (sud) dans le temps qui nous est imparti, en 3 étapes: Florianópolis et l’île de Santa Catarina dans un premier temps, puis, les Chutes d’Iguazu, et enfin la mondialement connue, Rio de Janeiro.

Plus grand pays lusophone au monde, le Brésil est aujourd’hui le seul héritage du Portugal en terre américaine, et partage des caractéristiques communes avec la plupart des auutres pays d’Amérique du Sud: c’est un pays en majorité catholique, avec une densité humaine relativement faible, une population fortement urbanisée, et enfin de forts contrastes, tant du point de vue géographique, que sociologique et économique.

Les terres brésiliennes furent découvertes en 1500 par Pedro Álvares Cabral, et furent immédiatement attribuées au Portugal, selon le traité de Tordesillas, en vigueur à l’époque. La colonisation ne débuta réellement que dans les années 1530, avec la fondation de São Vicente, premier village établit en 1532. La Couronne portugaise écarta par deux fois les tentatives de colonisation française, appelées « France antarctique » qui occupa la baie de Rio de Janeiro de 1555 à 1567, puis « France équinoxiale » qui tenta de s’implanter près de São Luis entre 1612 et 1615. La traite négrière, liée au fort développement économique du Brésil à partir des années 1550 (production sucrière, puis minière) et à l’insuffisance d’indiens autochtones, dura jusqu’au milieu du XIXème siècle, le Brésil étant le pays qui reçut le plus d’esclaves noirs (5,5 millions d’Africains, majoritairement d’Afrique de l’Ouest). En 1822, Dom Pedro, fils du régent Jean VI, envoyé au Brésil par Napoléon en 1807 après avoir envahi le Portugal, refusa de rentrer au moment d’être rappelé en Europe, et proclama l’indépendance du Brésil, soutenu par la population brésilienne locale, tout en étant déclaré empereur sous le nom de Pierre Ier. Sous le règne suivant (Pierre II), le Brésil connut un début de modernisation et d’industrialisation, l’esclavage fut par exemple aboli, même si plus tard qu’en Europe, en 1888. Un an plus tard, l’Armée renversa l’empereur et ce fut le début d’une période de 2 Républiques successives, durant lesquelles le pays fut dirigé par une oligarchie de riches propriétaires, puis le Brésil s’engage dans la Seconde Guerre Mondiale au côté des Alliés, avant de s’enfoncer progressivement dans de graves problèmes politiques intérieurs et de conflits d’intérêts entre les régions qui conduiront finalement à un coup d’Etat en 1964 et à l’instauration d’une dictature militaire de droite (comme d’autres pays d’Amérique latine) pendant deux décennies. C’est finalement la crise financière qui mine la plupart des pays d’Amérique du Sud, le développement de la pauvreté et de l’insécurité dans les immenses favelas, ainsi que la ruineuse corruption des militaires et les mouvements syndicaux qui feront perdre les derniers soutiens économiques du régime militaire, permettant enfin le retour de la démocratie et l’établissement d’une nouvelle constitution adoptée le 5 octobre 1988. Depuis 2002, c’est le Parti des travailleurs qui dirige le Brésil, l’ancien syndicaliste Luis Inácio Lula da Silva, président de 2002 à 2010, ayant permis au pays de sortir du marasme économique et d’accéder au statut de puissant pays émergent, grâce au développement accordé à la classe moyenne et la création d’un grand marché intérieur qui attire les capitaux étrangers et les industries d’exportation, à la suite du retour de la confiance des banques et la stabilisation de la monnaie. Le géant pétrolier Petrobras devient le symbole de cette forte croissance en réussissant, en 2010, plus grande augmentation de capital de l’histoire. Depuis le 1er janvier 2011, c’est une femme, Dilma Roussef, également membre du Parti des travailleurs, qui est aux commandes du gouvernement, et le Brésil semble continuer à connaitre une période de fort développement économique, accueillant, comme chacun sait, la Coupe du Monde de Football en 2014 puis les prochains Jeux Olympiques d’été en 2016.

C’est en discutant avec d’autres voyageurs rencontrés en Argentine que nous avons choisi Florianópolis, au lieu de Porto Alegre, comme première étape brésilienne. Florianópolis, généralement surnommée Floripa, capitale de l’État de Santa Catarina au sud-est du Brésil, est une destination touristique renommée, en raison de ses nombreuses plages, et l’une des villes brésiliennes offrant la meilleure qualité de vie, notamment en termes de développement humain et de sécurité. Plus que la municipalité de Florianópolis en elle-même, qui a vu naitre le très apprécié joueur de tennis brésilien Gustavo Kuerten, triple vainqueur à Roland Garros au début des années 2000, et grandir le célèbre mannequin Alessandra Ambrosio, repérée par l’illustre agence Elite en 1996 et devenue égérie de la marque de lingerie Victoria’s Secret en 2004, c’est en fait l’île de Santa Catarina qui attire les touristes dans la région. Située à quelques centaines de mètres des côtes brésiliennes et reliée au continent par 2 ponts, cette île de 55 km de longueur Nord-Sud par 15 à 20 km de largeur Est-Ouest, également appelée « île de la Magie » (ilha da Magia en portugais), est l’île principale d’un archipel de plus de 20 autres et elle détient la majeure partie (97%) de la municipalité de Florianópolis : cette partie majoritaire de la ville, insulaire, se situe dans le centre-ouest de l’île de Santa Catarina, au point le plus proche du continent, qui délimite les baies Nord et Sud, le reste de la municipalité étant continental.

Pour découvrir ce genre d’endroit, rien de tel que de louer un deux-roues ! Les distances sont relativement courtes, les arrêts fréquents, les routes se transforment parfois en chemins pour accéder aux plages les moins exposées, et le trafic est généralement chargé du à un nombre limité d’axes routiers pour se déplacer : tant de critères qui rendent l’usage d’un scooter très pertinent. C’est ainsi que le lendemain de notre arrivée, nous louons un 125cc pour 2 jours, accompagnés par un espagnol, de Barcelone, rencontré à l’auberge où nous séjournons.

Le 11/01/2014, nous partons donc à la découverte du Nord de l’île, avec Jordi, en commençant par aller déjeuner puis nous baigner à la « Playa de los Ingleses » puis parcourons les quartiers chics de Jurerê jusqu’à atteindre la plage du même nom. Cette parie Nord-Ouest de l’île est très clairement la zone établie des riches propriétaires (les maisons sur l’axe principal de Jurerê sont toutes immenses et font penser à Beverly Hills) et le coin choisi par les jeunes fêtards venus éponger leur soif dans l’une des nombreuses discothèques « taille industrielle » comme le « Pacha » ou le « P12 », en bord de plage.

En fin d’après-midi, changement de décor en quelques kilomètres, nous redescendons sur la côte Ouest de l’île et nous arrêtons à Santo António de Lisboa, un mignon et très calme village de pêcheurs, qui semble fréquenté majoritairement par les locaux et loin des folies touristiques du Nord.

Enfin, nous retraversons l’île en son centre pour rejoindre la « Lagoa da Conceição », une grande lagune alimentée par plusieurs cours d’eau descendant des collines de l’île, au bord de laquelle se situe notre « pousada » (auberge). Nombre de visiteurs y pratiquent le stand-up paddle (une activité nautique se pratiquant debout sur une planche de surf qu’on dirige à l’aide d’une pagaie, ça nous semble « chiant à mourir » avec Magda) et le kitesurf, que j’espère pouvoir pratiquer d’ici la fin de la semaine si les conditions s’y prêtent.

Le lendemain, nous passons le début d’après-midi, sous un temps maussade, du côté de « Barra da Lagoa », la municipalité située entre « Lagoa da Conceição » et l’océan Atlantique, par laquelle passe le canal qui relie le lac à l’océan. A proximité de « Barra da Lagoa », on nous conseille d’aller nous baigner dans des piscines naturelles d’eau de mer à quelques dizaine de minutes en marchant sur un sentier sinueux le long de l’océan. Ces piscines sont formées par un littoral rocheux escarpé qui retient par endroit l’eau de mer et forme alors une retenue d’eau à l’abri des mouvements océaniques.

En fin d’après-midi, nous ne manquons pas d’aller admirer un groupe de danse local, qui prépare son show, pour le carnaval, qui aura eu dans quelques semaines, en répétant leur spectacle de samba une fois par semaine en plein centre de « Lagoa da Conceição » et en public. La « Samba No Pé » (Samba de pieds) est la samba « solo » la plus connue et la variante majoritairement pratiquée lors des carnavals. C’est une danse très complète, dans laquelle chaque partie du corps est utilisée : les jambes bougent d’avant en arrière ou inversement d’une manière bien particulière tandis que les bras balaient l’air au niveau du bassin. Elle est souvent pratiquée par des femmes mais certains hommes brésiliens semblent exceller également dans le domaine. Et bien qu’elle paraisse accessible car elle n’expose aucune figure complexe ou « passe » (comme c’est le cas de la salsa), son rythme est en fait bien compliqué à appréhender. Magda a semble-t-il intégré le pas de base assez vite, moi, je n’ai même pas essayé !

Enfin, nous profitons des éclaircies de la matinée du 13/01/2014 pour découvrir cette fois le Sud de l‘île : « Pântano do Sul », plage de pêcheurs située à l’extrémité Sud-Est de l’île, puis la Plage de Campeche, fréquentée par les surfeurs pour les vagues régulières qu’elle offre. C’est cette plage que nous choisissons pour nous boire en terrasse une carafe de jus de « fruit de la passion » : on est bien au Brésil, au mois de janvier !

Après ces quelques jours reposants en bord de mer, nous quittons temporairement la côte et rejoignons les Chutes d’Iguazú, situées au milieu de la forêt tropicale, à la frontière entre l’Argentine et le Brésil.

Province de Rocha

Le 05/01/2014, nous quittons la capitale et continuons notre chemin vers la province de Rocha, située à l’est de l’Uruguay, pour rejoindre Manuel qui nous a invité à venir passer quelques jours avec eux avant que nous ne quittions l’Uruguay pour le Brésil.

Manuel vient nous récupérer à la sortie du bus emprunté à Montevideo dans la matinée, et c’est avec une immense joie que nous le retrouvons au terminal de bus de La Paloma, une petite station balnéaire le long de la côte Atlantique, dont la population n’excède pas 5000 habitants permanents. Manuel nous présente Victoria, sa compagne, et nous rejoignons, après un premier rapide bain de mer, pour se mettre tout de suite dans l’ambiance estivale, la maison, appartenant à ses parents, dans laquelle Manuel et sa famille viennent tous les étés passer quelques semaines, les pieds dans l’eau.

Dès le premier soir, nous nous sentons, ici à notre place : les parents de Manuel sont extraordinairement accueillants, sympathiques, presque toujours aussi indignés et révolutionnaires qu’à leurs 20 ans, et enfin, toujours prêts à ouvrir une bouteille pour entamer une conversation, surtout si il s’agit de faire partager leurs convictions politiques, marxistes au plus haut point. Et, même si je ne partage pas nécessairement toutes leurs opinions, force est de constater qu’ils ont su rester très jeunes d’esprit, que leur fils Manuel est tout simplement un mec génial et que nous sommes ravis d’avoir eu l’opportunité de vivre quelques jours avec eux en Uruguay. Les parents de Manu sont intéressants car leur vie est liée au monde de l’athlétisme, mais la discipline dans laquelle ils excellent est loin d’être la plus médiatisée : ils sont tous les deux sauteurs à la perche et pas à n’importe quel niveau, s’il vous plait ! Son papa, qui a eu un niveau national dans sa jeunesse, est en réalité meilleur entraineur qu’athlète : il a entrainé de nombreux athlètes sud-américains dont plusieurs ont eu ensuite l’opportunité de venir s’installer en Europe et il est toujours, à 74 ans, l’entraineur de sa femme, qui, à 54 ans, continue d’évoluer en compétition pour les vétérans, à un niveau international, en ayant elle-même démarré l’entrainement entre 35 et 40 ans. Et quand on voit la simplicité et l’usure des machines de musculation, installées dans leur jardin depuis au moins une décennie, ou qu’on écoute son papa parler des concessions financières considérables qu’il a du faire dans sa jeunesse pour se procurer des perches d‘entrainement ou encore se payer le transport pour participer à une compétition lointaine, on réalise qu’ils ont un mérite exceptionnel et que tous les sportifs, comme dans la vie de toute façon, n’entament pas leur carrière avec les mêmes probabilités de victoire.

Dès le premier soir, leur maison, ouverte aux 4 vents, est le point de rencontre du quartier : nous sommes une douzaine de personnes rassemblés chez eux, sur leur terrasse, sa famille, des amis des parents, des amis des jeunes, les internationaux (nous), à faire cuire des pizzas au feu de bois en sirotant de la bière ou du Whisky.

Après une soirée plage, autour d’un feu de camp, avec 2 guitares (ça m’a rappelé quelques bons moments de camps d’aumônerie) et encore un peu de bière pour caler les pizzas bien au fond de l’estomac, nous rejoignons le lendemain en fin d’après-midi, Gustavo, l’ami Uruguayen de Manu, Yolana et Rodri (le couple anglo-cubain d’Argentine), sur la plage de La Pedrera, une autre station balnéaire située à moins de 10 km et reformons pour quelques jours une partie du groupe rencontré à Salta, en Argentine, il y a quelques semaines. Nous passons la fin de l’après-midi et le début de soirée sur la plage, à jouer au volley, à faire de l’acrosport, et dinons ensuite tous ensemble dans un petit restaurant de La Pedrera, tenu par un ami proche du père de Manuel.

Le lendemain, le soleil décide d’abord de jouer à cache-cache avec les nuages et la pluie tombe finalement à grosses gouttes jusqu’en fin d’après-midi. Nous profitons d’une accalmie en fin de journée pour partir en ballade à la plage, même si le temps est encore bien gris, et une partie du groupe se lance en soirée dans un gigantesque puzzle (1800 pièces) représentant à terme le Château de Neuschwanstein, que je suis le seul à avoir vu en vrai dans ma jeunesse : merci papa et maman !

Le 08/01/2014, en fin d’après-midi, nous quittons la maison de Manuel et partons à 2 voitures encore plus à l’Est de l’Uruguay pour découvrir plusieurs plages et stations balnéaires d’intérêt. Nous passons donc la fin de l’après-midi à Cabo Polonio, l’une des zones les plus sauvages d’Uruguay, qu’on atteint uniquement par transport en commun géré par la région : de gros camions 4×4 à ciel ouvert qui embarquent jusqu’à 30 ou 40 passagers. Cabo Polonio, c’est un micro-village de pêcheurs qui n’existait pas il y a 30 ans et dans lequel encore bien peu de logements sont équipés d’électricité. La seconde colonie la plus importante de lions de mer en Uruguay a élu domicile sur le littoral rocheux qui entoure le village, et les animaux, habitués à la présence humaine, ne sont pas si sauvages, se laissant approcher lors de leurs bains de soleil.

Après une ballade faisant le tour du village et un apéritif en terrasse, nous reprenons le 4×4 pour rejoindre le parking et nous poursuivons ensuite la route en voiture jusqu’à Valizas, une nouvelle petite station balnéaire des plus hippies, où nous commençons par diner, puis partons danser un peu avant d’aller planter la tente directement sur la plage pour dormir quelques heures, à 8 dans une seule tente (prouesse).

Le 09/01/2014, après quelques photos prises au réveil, tôt le matin, sur la plage de Valizas, nous reprenons à nouveau la route et nous dirigeons toujours plus au nord-est pour atteindre le Parc National de Santa Teresa, un Parc sous tutelle de l’Armée et dont les plages désertes, attirent quelques touristes uruguayens ou brésiliens (la frontière n’est maintenant plu qu’à 35 km) venus camper au calme, dans le gigantesque espace de camping qui longe la plage : pas moins de 1200 emplacements à l’ombre des eucalyptus sont offerts ici et c’est la seule manière de se loger. Arrivés en fin de matinée, nous longeons la plage sur quelques kilomètres pour aller nous baigner à l’extrémité nord-est, appelée « Cerro Verde », une colline recouverte de végétation qui se jette directement dans l’océan et qui marque la fin de la plage.

Enfin, après avoir avalé un sandwich dans un bar de plage, nous reprenons la route pour la dernière étape avant que nous nous séparions, Magda et moi, du reste du groupe : « El Chuy ». Nous sommes maintenant à la frontière Uruguay-Brésil, qui ne présente aucun intérêt si ce n’est d’offrir de nombreux magasins Duty-Free pour les touristes, dans lesquels on peut trouver des produits strictement identiques à ceux proposés dans les aéroports : alcool fort, cigarettes, parfums, bijoux, fringues et accessoires électroniques. Nous prenons soin d’acheter une bouteille que nous confions à Manu pour remercier ses parents et nous séparons du groupe en fin d’après-midi en attendant notre prochain bus, ayant acheté in extremis, dans l’après-midi, les 2 dernières places disponibles pour le long trajet jusqu’à Florianópolis, au Brésil, 1000 km au Nord-Est, toujours le long de la côte Atlantique.

Cette semaine passée en Uruguay nous laissera probablement des souvenirs pour longtemps, en grande partie par l’immense générosité de nos hôtes et amis qui ont su nous convaincre, comme ils le disent si bien, qu’« Uruguay es el mejor país ! » (l’Uruguay, c’est le meilleur pays !)

Montevideo

À nouvelle année, nouvelle étape pour vos 2 voyageurs insatiables: nous laissons Buenos Aires et l’Argentine derrière nous en traversant par voie fluviale le Río de la Plata pour rejoindre le plus petit pays hispanophone d’Amérique Latine: l’Uruguay.

L’Uruguay, c’est un territoire de petite superficie (176 000 km2), frontalier du Brésil au nord, et de l’Argentine à l’est, dont il est séparé par le fleuve Uruguay, ayant donné son nom au pays. Habité par 3,5 millions d’habitants parlant principalement le castillan, et le portuñol (un mélange d’espagnol et de portugais) dans le nord du pays, le long de la frontière avec le Brésil, l’Uruguay est le pays le plus proche culturellement de l’Argentine, même si les relations entre les 2 pays n’ont pas toujours été des meilleures. Les uruguayens, très majoritairement descendants d’Européens arrivés au XIXème siècle (88% de la population), vivent un mode de vie européen, teinté de culture guarani et africaine (les métis, d’ascendance à la fois européenne et amérindienne, représentent environ 8% de la population, les africains d’origine pèsent à peine 4% de la population, et les amérindiens moins d’1%), et le niveau de vie, comparable à celui du Chili, est élevé, par rapport à celui de la Bolivie ou du Paraguay. Le pays se situe dans la continuité géographique de la Pampa argentine, essentiellement constitué de grandes plaines présentant un relief relativement plat (le sommet le plus haut du pays ne culmine qu’à 514 m. Le climat y est subtropical, les hivers sont doux, les étés chauds et les précipitations peuvent être abondantes à certaines périodes de l’année.

Peuplé essentiellement jusqu’au XVIème siècle par 2 tribus amérindiennes (les Guaraní et les Charrúas, le territoire, découvert en 1516 par les espagnols, est délaissé par les conquistadors jusqu’à ce qu’une menace causée par l’expansion des Portugais n’amène les espagnols à coloniser le pays en édifiant la ville fortifiée de Montevideo en 1726. Le début du XIXème siècle est marqué par l’émergence de mouvements indépendantistes comme presque partout en Amérique latine, le plus marquant en Uruguay répondant au nom « Banda Oriental », emmené par José Gervasio Artigas, le héro national de l’Indépendance. Après une série de victoire dans la lutte pour l’indépendance des « Provincias Unidas del Río de la Plata », une série de trahisons et de disputes entre les leaders locaux obligèrent Artigas à fuir la « Banda Oriental » puis à se réfugier au Paraguay voisin, d’où il ne revint jamais. Le contrôle du territoire fit ensuite l’objet de nombreux conflits entre les 2 pays naissants d’Amérique du Sud, l’Argentine et le Brésil, ce dernier annexant la région en 1821 et gardant le contrôle jusqu’à ce qu’un mouvement nationaliste, emmené par un autre héro, Juan Antonio Lavalleja, n’entame, en 1825, une nouvelle guerre d’indépendance contre le Brésil, le conflit prenant fin par le Traité de Montevideo signé en 1828 et l’indépendance de l’Uruguay. La première constitution est signée en 1830 et la même année fut décidée et organisée l’extermination des peuples indiens Guaraní et Charrúas qui occupaient encore le territoire. Après avoir traversé 2 guerres dans la 2ème moitié du XIXème siècle, l’Uruguay connu une période de prospérité au début du XXème siècle, le pays étant alors surnommé « la Suisse de l’Amérique latine », avant d’être touché par la crise de 1929 dont les effets se feront sentir jusqu’en 1950, date à laquelle l’Uruguay commence à renouer avec la croissance avant de subir de plein fouet, à partir de 1959, une nouvelle crise économique et sociale, puis politique. Entre 1960 et 1975, une série d’élections ayant lieu dans des contextes de fraudes et de mouvements révolutionnaires (l’Uruguay est notamment influencé par le mai 1968 parisien), durement réprimés par l’usage de la torture, conduisent à une montée en puissance de l’Armée puis à l’installation d’une dictature militaire en 1975, qui ne durera que quelques années. En effet, l’échec de la dictature, marqué par le refus massif de la population lors du plébiscite de 1980 sur la réforme constitutionnelle visant à entériner la dictature, amène une transition démocratique n’aboutissant qu’au moment des élections de 1984 et la libération des prisonniers politiques en 1985. Après de longues années de politiques libérales, c’est la gauche qui prend les commandes du pays, pour la première fois, en 2004, et l’Uruguay connait allors à nouveau une période faste avec des croissances annuelles à 2 chiffres avant de subir à nouveau les effets de la crise économique mondiale à partir de 2009. Le pays est aujourd’hui toujours gouverné par un dirigeant de gauche, José Mujica, un ex-Tupamaro, le nom d’une guérilla urbaine révolutionnaire qui se fit connaître juste avant 1970. Du point de vue économique, les forces indiscutables du pays restent l’agriculture et l’élevage, puis l’industrie agroalimentaire, et le tourisme qui évolue fortement. Même si l’Uruguay tarde à effacer les séquelles de la crise économique marquante de 1960, accentuée par l’effondrement, en 1999, de l’économie du principal partenaire, l’Argentine, l’Uruguay reste un paradis fiscal au sein du Mercosur (constitué du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay, du Venezuela et de l’Uruguay), accueillant chaque annéée de nombreux Argentins fuyant la crise économique sévissant dans leur pays et des Brésiliens, en quête d’une vie meilleure. L’Uruguay présente en effet, l’un des niveaux de vie les plus élevés d’Amérique latine ainsi que des niveaux d’éducation parmi les plus élevés du monde. Enfin, du point de vue culturel, les Uruguayens semblent accorder, plus que leurs voisins, une importance non négligeable à l’émancipation d’une vie artistique au travers de plusieurs grands domaines, comme la peinture, la danse (le tango), la musique (on croise de nombreux magasins d’instruments dans les rues de Montevideo) et la littérature. Le football occupe une place prépondérante dans la vie sportive surtout depuis les coupes du monde de 1930 (la première édition de cette compétition ayant eu lieu en Uruguay) puis 1950, toutes deux remportées par l’équipe nationale des « Célestes ».

Située au sud du pays, sur la rive nord du Río de la Plata, Montevideo, la capitale du pays, accueillant près d’1,5 Millions d’habitants (soit presque la moitié de la population du pays), possède l’une des plus importantes rades (appelée « Rambla ») des Amériques, ainsi que de superbes plages (Pocitos, Buceo, Playa de los Ingleses, Playa Verde). Elle fait partie des 30 villes les plus sûres du monde et le tourisme y connait un essor grandissant depuis quelques années, la capitale étant majoritairement visitée par des Argentins et Brésiliens, mais aussi par des Européens et des Nord-Américains.

Montevideo, et l’Uruguay dans son ensemble, sont une surprise et un coup de coeur de plus pour moi dans ce voyage. Notre itinéraire initial ne prévoyait pas d’étape particulière dans cette région du globe, mais décision fut prise de nous y arrêter après la fabuleuse rencontre de Manuel et Gustavo, 2 uruguayens rencontrés dans le sud de la Bolivie, dans le cadre de notre excursion dans le Salar d’Uyuni et la région duu Sud-Lípez. Le courant est tellement bien passé que nous sommes impatients et ravis de recroiser leur route dans quelques jours suite à leur incitation pour que nous venions leur rendre visite dans l’Est du pays, avant de remonter vers le Brésil (ce qui est en plus totalement logique du point de vue itinéraire pour nous). Mais avant cela, nous passons quelques jours des plus agréables dans la capitale.

Après un rapide passage par Colonia del Sacramento, une petite ville, semble-t-il mignonne, qui sert de débarcadère pour nombre de bateaux venant de Buenos Aires, un court trajet de bus nous permet de rejoindre Montevideo, dans laquelle nous arrivons en fin d’après-midi le 02/02/2014. Nous ne nous sommes pas trompés quant à l’auberge choisie: une immense et très jolie maison d’architecture coloniale, transformée en auberge pour backpackers et offrant une piscine en plein centre de la capitale.

Le lendemain de notre arrivée, nous visitons à pied le centre-ville, en traversant notamment la Plaza Cagancha, la Plaza del Entrevero et la Plaza Independencia, au milieu de laquelle trône une imposante statue (et sous-terre, au même endroit le tombeau) du héro de l’indépendance uruguayenne, Artigas, puis nous dirigeons vers la vieille ville par Plaza Constitución puis Plaza Zabala, avant de revenir déjeuner à l’auberge en longeant la Rambla Francia, en bord de mer. Montevideo s’étend sur pratiquement 20 km d’est en ouest, offrant un front de mer, appelée Rambla, qui permet de se promener en bord de plage sur plusieurs kilomètres, les paysages variant drastiquement, du port industriel aux zones résidentielles de standing comme Carrasco. En fin d’après-midi, le même jour, nous décidons de repartir à pied en longeant la Rambla Republica Argentina depuis notre auberge, puis en passant le long de Playa Ramírez, Punta Carretas, la Rambla Mahatma Gandhi pour finalement arriver au quartier de Pocitos, qui offre de nombreuses options pour diner et sortir. La promenade est un régal visuel, la lumière et l’ambiance qui se dégagent à Montevideo à cette heure de la journée, m’enchantent complètement. Arrivés à Pocitos, nous ne résistons pas longtemps à la tentation d’une bière fraiche en bord de mer et nous installons finalement dans un bar-restaurant proche pour le dîner.

Le 04/04/2014, nous visitons l’élégant Théâtre Solís, la principale scène artistique de la capitale, fondé en 1856 et rénové dans les dernières décennies, qui offre encore une fois une acoustique remarquable. La visite est rapide et vraiment économique, mais il faut bien admettre qu’il est difficile, pour nous, européens, de nous extasier, devant une salle de théâtre dont la décoration ou l’architecture n’a rien de remarquable en comparaison avec les majestueuses salles de Paris ou de Madrid.

Pour finir, comment parler de Montevideo sans évoquer le maté, cette infusion traditionnelle issue de la culture Guaraní, à base de « yerba maté », une espèce sud-américaine dont les feuilles fournissent, infusées dans l’eau chaude, une boisson stimulante, aux effets semblables à ceux du café ou du thé. Les Uruguayens, ainsi que les Argentins, les Brésiliens et les Paraguayens sont de forts consommateurs de cette boisson qui se boît dans une calebasse (récipient) grâce à un tube métallique qui sert aussi de filtre, appelé « bombilla ». Ces 2 accessoires font partie intégrante de la vie quotidienne de nombreux uruguayens: on trouve en effet à Montevideo, des calebasses décorées de toute sorte de motifs et de différents matériaux, et bon nombre d’hommes se déplacent dans la rue avec un thermos d’eau chaude sous le bras gauche, l’autre main soutenant la calebasse, de façon à pouvoir siroter toute la journée ! Dans les rues de Montevideo, le maté, c’est presque un accessoire vestimentaire !

Buenos Aires

Nous terminons notre séjour en Argentine par la capitale, Buenos Aires, 3 Millions d’habitants dans la ville, plus de 13 Millions pour l’agglomération urbaine, le Grand Buenos Aires, ce qui fait d’elle la deuxième ville la plus peuplée de l’Amérique latine, après São Paulo, au Brésil. Située sur la rive Ouest du fleuve « Río de la Plata » au niveau de l’embouchure avec l’océan Atlantique, elle est bordée par le Río de la Plata au Nord et à l’Est, (l’Uruguay se trouvant sur l’autre rive du fleuve, au Nord), la Pampa à l’Ouest et la province de Buenos Aires au Sud. Elle est le cœur financier, industriel, commercial de l’Argentine ainsi qu’un centre artistique important de la culture occidentale (nombreux musées, théâtres, et galeries d’arts). Les habitants, majoritairement d’origine espagnole et italienne, sont les « Porteños » (littéralement « les habitants du port »), à ne pas confondre avec les « bonaerenses », habitants de la province de Buenos Aires dont ne fait pas partie la capitale fédérale.

Du point de vue étymologique, le nom « Buenos Aires » a progressivement évolué à partir du nom original, donné par Juan de Garay, qui était « Santísima Trinidad y Puerto de Nuestra Señora del Buen Ayre » (Très Sainte Trinité et Port de Notre-Dame-du-Bon-Vent). Le nom « Notre-Dame-du-Bon-Vent » fait référence à la Vierge de la Bonaria (Cagliari, Sardaigne), protectrice des navigateurs, dont une représentation fût déposée dans un temple païen pour le convertir au Christianisme lorsqu’il devint la religion officielle de l’Empire Romain. L’italien « Bonaria » fut ensuite traduit en « Buen Aire ».

Les conquistadors durent s’y reprendre à plusieurs reprises pour fonder Buenos Aires : les deux premières tentatives, de Juan Díaz de Solís, en 1516, puis Pedro de Mendoza en 1536, furent respectivement ravagées par des attaques d’amérindiens, obligeant les colons à abandonner le premier emplacement choisi. En 1580, Juan de Garay fonde à nouveau la colonie avec le nom ci-dessus évoqué, à l’emplacement connu aujourd’hui comme le quartier « La Boca », le principal objectif étant le besoin d’ouvrir une porte sur l’Océan Atlantique pour tout le territoire existant depuis Potosí jusqu’au sud du continent.

La ville était, à l’époque, la capitale d’un gouvernement qui dépendait de la Vice-royauté du Pérou et les Porteños souffrirent pendant des siècles de toutes sortes de besoins. Buenos Aires était en effet la cité la plus australe d’Amérique, loin de toute cité commerciale importante. La couronne d’Espagne privilégiait alors les ports de la côte Pacifique et marginalisait Buenos Aires, qui vécut, jusqu’au XVIIème siècle, de contrebande, financée par la seule et unique source de richesse du pays : la vente de cuir obtenu par le massacre des troupeaux de bovins qui vivaient encore à l’état sauvage dans les prairies alentour.

Buenos Aires acquit une certaine légitimité en 1680, grâce une écrasante victoire contre les Portugais, séparés depuis peu de l’Espagne, qui arrivèrent avec une expédition à Colonia del Sacramento (en Uruguay) sur la côte opposée du Rio de la Plata afin de s’établir sur ce territoire. Conscient de l’instabilité grandissante dans la ville, Charles III d’Espagne leva progressivement les restrictions commerciales jusqu’à créer, en 1776, la vice-royauté du Río de la Plata dont Buenos Aires fut la capitale, la plaçant donc au même niveau que Lima d’un point de vue administratif. Son territoire s’étendait sur l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay actuels. Avec un commerce ouvert, libre, flexible et libéral, la ville s’émancipa de la dépendance politique et économique de Lima et vécue donc une croissance fulgurante entre 1780 et 1800, recevant à cette époque une très forte immigration d’espagnols, de français et d’italiens. Au tout début du XIXème siècle, la ville fut ensuite envahie par les troupes anglaises mais les Porteños repoussèrent les Britanniques par deux fois, donnant aux habitants de la ville l’assurance qu’ils pouvaient aussi créer une nation indépendante de l’Espagne, portés en parallèle par les idéaux de la Révolution française.

Buenos Aires acquit ensuite très rapidement son indépendance, le 25 mai 1810 : après une semaine de manifestations majoritairement pacifiques, alors que l’Espagne est en pleine guerre, les « criollos » (Espagnols nés en Amérique du Sud) parvinrent à chasser le vice-roi espagnol et à installer un gouvernement provincial. L’indépendance ne fut toutefois déclarée formellement qu’en 1816, au terme de conflits qui secouèrent tout le pays, Buenos Aires ayant été désignée, entre temps, comme siège du gouvernement national.

En 1880, une série d’affrontements entre le camp de la vision centraliste, défendue à Buenos Aires, et le camp de la vision fédéraliste, défendue dans le reste du pays, s’achève par la défaite de Buenos Aires et la fédéralisation de la ville et du pays, dont elle prend depuis lors le statut de Capitale Fédérale.

Au XIXème et XXème siècle, Buenos Aires connaît un essor industriel important et devient une grande métropole multiculturelle rivalisant avec les grandes capitales européennes, mais une immigration forte et incontrôlée dans les années 1920, entraîne en parallèle l’apparition de quartiers très pauvres autour des zones industrielles de la ville, ayant pour conséquence de graves problèmes sociaux.

Le XXème siècle est celui de la junte militaire, des mouvements révolutionnaires et Buenos Aires souffre plusieurs coups d’États, notamment la démonstration de force de Juan Perón, le 17 octobre 1945, qui se déroule sur la Plaza de Mayo et marque le point de départ du péronisme (Mouvement national justicialiste créé autour de Juan Perón). Mais ces nombreuses et successives luttes révolutionnaires entrainent entre 10 000 et 30 000 disparitions dans le pays qui reste meurtri à jamais.

Finalement, en 1982, la défaite de la guerre des Malouines fait perdre du prestige et de l’influence à la dictature militaire et les généraux sont obligés d’organiser des élections libres ce qui marque le retour de la démocratie.

Après ces quelques lignes d’Histoire, revenons maintenant sur notre périple. Arrivés en bus de nuit depuis Córdoba le 30/12/2013, nous rejoignons en taxi, le Sabatico Travelers Hostel, dans le quartier Monserrat, dans lequel nous avons réservé 2 lits pour les 3 prochaines nuits. L’accueil est sympa, les pièces communes très agréables, mais les dortoirs sont tout petits et non climatisés, ce qui augure des nuits difficiles compte tenu des températures annoncées.

Même si je n’ai pas beaucoup dormi dans le bus, on décide, sur conseil de la réception, de rejoindre un Free Walking Tour qui démarre à 10h30, après un copieux petit-déjeuner à l’auberge. C’est une ballade de 3 ou 4 heures qui démarre dans le centre, au niveau de la Plaza Lavalle, juste en face du Théâtre Colón, une des plus importantes salles d’opéra au monde (capacité de 3300 personnes, 6 étages, acoustique incroyable), dessiné par 2 architectes italiens, inauguré en 1908, et ayant accueilli tous les plus grands noms de l’opéra et de la musique classique. Sur la Plaza Lavalle, se distinguent également : le Palais de Justice, siège du pouvoir judiciaire d’Argentine ainsi que de la Cour Suprême de Justice, édifice inauguré en 1942, une statue édifiée en l’honneur de Juan Lavalle et enfin plusieurs arbres centenaires appelés « gomera » dont les imposantes branches ont la particularité de pousser horizontalement. La promenade longe ensuite l’immense « Avenida 9 de Julio » qui perce Buenos Aires du Nord au Sud, et dont l’extrême largeur (140 m) lui confère le titre de l’Avenue la plus large de la planète. Elle porte ce nom en l’honneur du jour de l’Indépendance argentine, le 9 juillet 1816, et l’obélisque de 68 m de haut qui se dresse au centre de la Plaza de la República, fut inauguré le 23 mai 1936, pour le quatrième centenaire de la première fondation de la ville. On continue ensuite en direction du quartier Retiro, traversant d’abord le principal espace vert de ce quartier, la grande « Plaza General San Martín » en s’arrêtant quelques instants devant le Monument aux morts dédié aux victimes de la Guerre des Malouines. Ensuite, nous passons à proximité de la « Torre Monumental » qui fut construite par des résidents britanniques de la ville pour célébrer le centenaire de la révolution de mai et dont l’ancien nom « Torre de los Ingleses » fut abandonné après la défaite de l’Argentine contre les anglais au cours de la Guerre des Malouines. Enfin, la ballade se finit au cœur du quartier de Recoleta, l’un des quartiers les plus touristiques et distingués de la capitale, passant d’abord devant la Basilique Nuestra Señora del Pilar, de style dominant colonial et achevée en 1732, soit l’une des plus anciennes églises de la ville, avant de se conclure à l’entrée du cimetière de la Recoleta, dont les nombreux panthéons familiaux et caveaux accueillent les sépultures de très nombreux protagonistes de l’histoire argentine (écrivains et hommes politiques). La tombe la plus « fréquentée » est sans aucun doute celle d’Eva Péron, de son nom complet María Eva Duarte de Perón, décédée le 26 juillet 1952 à Buenos Aires, plus connue sous le pseudonyme « Evita ». Seconde épouse du président Juan Perón, elle est devenue un mythe et une icône de l’Argentine du XXème siècle par sa très grande influence pour l’obtention de la plupart des acquis sociaux du pays, notamment le vote des femmes, la sécurité sociale, les congés payés et plus largement les droits des travailleurs et le rôle des syndicats. Ses innombrables actions en faveur des classes défavorisées et les contributions non négligeables (hôpitaux, orphelinats) que sa fondation a laissés à l’Argentine ont généré une telle admiration qu’elle a été, au milieu du XXème siècle, l’objet d’un véritable culte de la personnalité, son nom et son image apparaissant alors absolument partout. Sa vie et sa carrière ont fait l’objet d’une comédie musicale sortie en 1975, appelée Evita, dont le principal succès « Don’t Cry for Me, Argentina » fut, plus tard, interprété par Madonna, dans l’adaptation cinématographique de la comédie, en 1996. Pour l’anecdote, son corps n’est revenu à Buenos Aires pour être placé dans le caveau familial des Duarte qu’en 1976, 24 ans après sa mort brutale à 33 ans, emportée par un cancer. En effet, suite au coup d’Etat de 1955 qui force son mari à quitter le pouvoir, son corps fut transporté secrètement vers un cimetière de Milan, sous une fausse identité et conservé à cet endroit pendant presque ¼ de siècle.

Le 31/12/2013, nous décidons de nous rendre à la « Boca », qui doit son nom au fait d’être placé à « l’embouchure » du Riachuelo, le petit fleuve qui se jette dans le « Rio de la Plata ». C’est le quartier de naissance de la capitale, c’est là que la ville fut fondée. Il s’est développé autour du premier port de Buenos Aires, aujourd’hui délaissé, accueillant au début du XXème siècle, des vagues successives d’immigrants venus de Yougoslavie, de Grèce, de Turquie et aussi beaucoup d’italiens, de Gênes, attirés par la forte activité portuaire de l’époque. La « Boca » a donc toujours été un quartier populaire, essentiellement habité par les classes les plus pauvres, les travailleurs, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, l’immigration venant maintenant plutôt de Bolivie et du Paraguay voisins dont un certain nombre de citoyens débarquent régulièrement en Argentine, à la recherche d’une condition meilleure.

Nous décidons d’y aller à pied, ce qui fait une bonne trotte, tout en accordant une certaine attention aux recommandations de vigilance de notre guide Lonely Planet, qui conseille de ne pas s’écarter du lieu touristique le plus fréquenté, « El Caminito », une ancienne voie de garage qui a été complètement refaite et redécorée par les habitants du quartier, rendant alors les quelques rues en question très colorées et joyeuses. Mais nous ne verrons pas le « Caminito », car à quelques rues de là, avant d’y parvenir, on m’arrache l’appareil photo numérique que je porte pourtant en bandoulière, près du corps et même volontairement caché sous le bras depuis quelques minutes (un pressentiment, mais pas suffisamment net pour nous décider à rebrousser chemin ou à prendre un bus pour terminer le trajet). Nos trois agresseurs s’enfuient en courant, l’un d’entre eux avec l‘appareil en main, la boucle de l’étui de protection n’ayant pas survécu à la pression exercée. Je réagis assez vite en me lançant, pieds nus (évidemment, ils ont choisi de « venir me chercher » aujourd’hui quand je me ballade en tongues, l’une d’entre elles n’ayant pas non plus tenu le coup pendant les 3 secondes de débattements), à la poursuite de celui qui tient l’étui et je parviens presque à le rattraper mais il se réfugie dans un terrain vague désaffecté dont le sol, jonché de morceaux de verre, et la végétation très haute par endroits, m’incite à ne pas continuer à faire justice moi-même. Malgré un déploiement policier important et un sacré remue-ménage dans le quartier (pas moins de 5 voitures ont débarqué dans les minutes suivantes et même un camion de pompier un peu plus tard, dû à un départ d’incendie supposé volontaire depuis le fond du terrain), nous ne retrouverons bien entendu, ni trace du jeune, ni de l’appareil photo. C’est agaçant, bien sûr, et ça me met en rogne pour quelques heures, mais d’un autre côté, nous n’avons heureusement rien, Magda et moi, et nous n’avons perdu qu’un jour et demi de photos puisque nous avons pris l’habitude de faire des sauvegardes régulièrement.

Nous ne verrons pas non plus le stade mythique « La Bombonera », le stade officiel du club de football le plus célèbre d’Argentine, « Boca Juniors ». C’est ce club qui a vu grandir un certain Diego Armando Maradona. Surnommé « El Pibe de Oro », ou « Le Gamin en Or », Maradonna, considéré comme un Dieu vivant par une grande majorité d’argentins, commença sa carrière professionnelle à seulement 16 ans, avec « Boca Juniors » puis évolua ensuite en Europe, jouant d’abord pour le FC Barcelone puis pour le SS Napoli. Après avoir fait des prouesses dans le club italien, l’homme dérape, trop de pression, peut-être, étant contrôlé positif à la cocaïne. C’est alors le début du déclin de Diego Maradona, qui va connaître une longue période d’addiction à la poudre blanche, puis désintoxication puis abus de tabac, d’alcool et boulimie qui lui valent un malaise cardiaque, en 2004, le laissant presque mort.

Pour bon nombre d’argentins, le deuil est entamé. Un nombre impressionnant de fleurs, de prières, de messages et de personnes veillant le « Maître », aux portes de l’hôpital de Buenos Aires qui le soigne à l’époque, est le signe de l’amour, du respect et de la passion que le peuple argentin a en cet homme.

Après un autre petit soubresaut médical en 2007, Maradona semble se stabiliser un peu. Entraîneur infortuné de la sélection argentine lors de la Coupe du Monde 2010, Maradona est finalement écarté de l’équipe « Albi céleste » après la défaite de l’Argentine contre l’Allemagne, en quarts de finale.

Depuis, Diego Maradona n’a pas fait beaucoup parler de lui, mais n’allez surtout pas croire qu’il est passé aux oubliettes : il continue de générer une passion et une admiration hors-norme chez tous les amoureux argentins du ballon rond !

Quant à moi, je peux écrire ici sans complexe, qu’avant de venir à Buenos Aires, je ne vouais pas un culte immense au footballeur à la « Main de Dieu ». Après notre tentative avortée d’approche du stade qui l’a vu grandir, je n’en sais, du coup, pas plus qu’avant à propos du personnage, mais mon avis n’a donc pas évolué.

Bref, nous finissons par retourner à l’auberge vers 17h avant de finalement ressortir assez vite puisque nous avons RDV avec un couple d’amis rencontrés à Salta (elle, cubaine, lui anglais) pour fêter ensemble le nouvel an. Vers 20h, nous sommes chez eux, les courses sont faites, l’agression de l’après-midi est déjà derrière nous, et nous passons une délicieuse soirée, d’abord en dinant dans l’appartement splendide qu’ils louent pour quelques jours par Airbnb, puis en sortant tous les 4, dans le quartier de San Telmo, le berceau du tango. L’Argentine et l’Uruguay revendiquent chacun la création du tango, cette danse, cet art, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO depuis 2009, dont on peut régulièrement admirer des démonstrations improvisées au détour de petites places de San Telmo. C’est un quartier, historiquement huppé, à l’ambiance bohème, aux rues pavées, dans lequel sont installés bon nombre d’artistes. Les anciennes maisons bourgeoises, fractionnées ensuite en plus petits appartements accueillent aujourd’hui des enseignes à la mode, de boutiques-hôtels luxueux, des couples gays et de riches expatriés. C’est aussi le quartier choisi par les antiquaires qui se rassemblent habituellement le dimanche pour la brocante hebdomadaire.

Après une excellente soirée de nouvel an, passée en compagnie de nos amis, Magda et moi, nous apercevons, au réveil, le 1er janvier 2014, que nous n’avons finalement pas complètement avalé la pilule d’hier après-midi : une envie commune de passer à l’étape suivante. Nous ferons tout pour ne pas garder de Buenos Aires un souvenir amer, mais pour l’heure, nous sentons que nous devons continuer notre route et changer d’air pour pouvoir oublier complètement notre mésaventure. Par chance, nous n’avions de toute façon pas prévu de rester bien plus longtemps à Buenos Aires, puisque notre plan est de passer en Uruguay dès demain le 02/01/2014.

Nous passons tout de même notre dernier après-midi à découvrir un dernier quartier de renom, Palermo. C’est le quartier le plus étendu de la ville, principalement résidentiel, où l’on trouve beaucoup d’habitations élégantes et d’immeubles de standing, même si les immeubles de bureau s’y sont multipliés depuis les années 1990. Le centre de ce très agréable quartier se situe au niveau de la Plaza Italia, d’où l’on accède au Zoo de Buenos Aires, au Jardin Botanique et au « Bois de Palermo ». Les « Bosques de Palermo », officiellement « Parque 3 de Febrero » (« Parc du 3 février ») sont une immense zone boisée, de quelques 50 hectares, qui accueille un terrain de golf, un terrain de Polo, un planétarium, un Jardin Japonais, 3 lacs artificiels et plusieurs itinéraires de promenade. Durant le week-end, l’affluence augmente notablement car de nombreux Porteños amoureux de sport viennent ici faire du jogging, du roller, du skateboard etc. Les quelques heures très agréables que nous passons dans le parc en fin d’après-midi, après avoir parcouru les rues pavées de Palermo, sont pour moi, le meilleur moyen de me réconcilier avec la capitale argentine avant de la quitter : ce fut un bon choix de programme pour nos dernière heures en Argentine, un pays qui nous aura définitivement comblé par la variété d’expériences touristiques qu’il offre et par les rencontres mémorables qu’il nous aura offertes !